i'll be there for you when the rain starts to pour

Chapitre I

Je ne sais pas combien de temps j'ai passé dans ce carton. Des jours, peut-être des semaines. Peut-être même des mois, des années .. A cet âge là, je ne savais pas qu'il était impossible que je passe autant de temps dans un endroit sans manger et sans boire sans mourir. Bien évidemment, tout le monde me regardait. Les grands, les petits, les maigres, les gros. Ils passaient devant moi, m'adressaient un regard, un coup d'œil seulement et passaient leur chemin. A croire qu'un gosse dans une boite de carton ne les intéressait pas plus que ça. A croire que c'était quelque chose qu'on rencontrait tous les jours et qui était totalement normal. J'avais des yeux bleus de bambin, des cheveux bruns et frisés, et j'étais habillé d'une salopette qui devait avoir passé des mauvais jours. Je ne savais pas comment je m'appelais, ni quel âge j'avais, et je ne savais pas non plus si j'avais déjà parlé un jour. Alors, j'ai commencé à m'entrainer, à dire des mots. Lentement, un, deux, trois, quatre, et puis à faire des phrases. Je parlais tout seul et je me racontais des histoires à dormir debout pour ne pas perdre l'usage de la parole. Je ne savais pas qui était ma maman, je ne savais pas qui était mon papa. A tout dire, je ne me souvenais que d'une chose : m'être réveillé dans cette boite de carton. Drôle d'histoire vous me direz ? Et je suis assez d'accord avec vous. Et puis un jour il y a une dame qui est arrivée. Elle était grande, et elle m'a expliqué qu'elle était là pour s'assurer que tout allait bien et qu'il n'allait rien m'arriver. Qu'avec elle, je serais en sécurité et que je n'avais plus à pleurer ou à m'inquiéter. Cela ne m'aidait pas vraiment puisque je n'avais pas pleuré depuis que je m'étais réveillé, mais je hochais la tête comme si je comprenais absolument tout ce qu'elle me disait. Et puis, je me suis retrouvé dans un grand bâtiment. Il était blanc, je m'en rappelais, et il y avait plein d'autres enfants. Des grands, des petits, des maigres, mais pas beaucoup de gros il fallait l'avouer. J'ai commencé à me faire des amis, et puis on m'a arraché à mes amis pour me mettre à côté d'une table et me faire avaler une bouillie infâme. Cela devait être fait avec des boyaux de dragon ou quelque chose comme cela parce que c'était vraiment dégoutant. Je me rappelle avoir mangé cette bouillie pendant exactement 42 jours. Je me souviens aussi qu'on m'a appris à lire et à compter, et que je revoyais mes amis les enfants tous les jours. Une seule chose changeait, par contre, c'était que certains partaient. On ne savait pas où, et on était jamais prévenu à l'avance, mais ils s'en allaient dans un autre endroit. Et un jour, la madame qui s'occupait de ces fameux transferts s'est approchée de moi. Elle m'a pris dans ses bras et m'a amené de l'autre côté de la barrière. Je pleurais, je hurlais, je ne voulais pas être jeté aux lions ou dans un broyeur pour devenir de la pâté pour chats. Mais non, au lieu de ça, elle me donna à une dame qui était très jolie. Elle avait des yeux bleus comme les miens et je me regardais dedans, avec un air admiratif. Il y avait aussi un homme avec elle et je tendais mes bras vers lui. C'était ma nouvelle famille, ma famille d'adoption comme ils me le dirent. Nous rentrâmes dans leur maison et je découvrais mon nouveau foyer. C'était une très grande maison, toute blanche avec des colonnes sur le devant. Il y avait beaucoup d'escaliers, et à vrai dire, ils m'enfermèrent dans une pièce au premier étage pour ne pas que je me perde dans le dédale des couloirs qui existaient ici. J'étais très heureux, il fallait le dire. C'est ici que je passa la majorité de ma vie, avant de déménager lorsque j'étais en âge d'habiter tout seul. Ma famille d'adoption a toujours été considérée par moi comme ma véritable famille et je n'ai jamais arrêté de les aimer. Je ne suis pas du genre de garçon qui oublient leurs parents dès qu'ils quittent la maison ou ne les aime plus lorsqu'il est adolescent, au contraire, je m'étais rapproché d'eux au fur et à mesure de ma croissance. Et ils me le rendaient bien.

Chapitre II

Je me souviens encore du jour où je l'ai rencontrée. J'étais au centre commercial pour m'acheter de nouveaux habits. Car même si j'étais un gars pas très axé mode, il fallait que j'aie des vêtements sur le dos pour ne pas me balader à poil dans la rue. Je l'avais remarquée tout de suite, sa grâce, ses beaux cheveux, son visage fin et son corps de déesse. Bien sûr que la première chose que l'on remarque chez quelqu'un est son physique, je ne pouvais savoir une autre chose sur elle sans l'aborder. Mais de toute façon, je savais qu'elle me plairait, dès le premier regard. Alors, je l'ai abordée. Des excuses pitoyables, j'en ai sorti une centaine, et alors que ses amies semblaient toutes se pavaner devant moi, elle restait froide et répondait comme si elle n'en avait rien à faire. Mon cœur avait été volé, il fallait que je l'aie et je l'aurais. Nous nous sommes quittés, moi l'esprit plein de doux rêves, elle je n'en savais rien. Je n'avais rien sur elle, pas un nom, pas un numéro de téléphone, et pourtant le destin a fait que nous nous sommes revus. Le soir même, je suis tombée sur les jeunes femmes et je n'ai pu faire autrement que de les aborder, tout en ne voulant qu'elle. Je ne regardais qu'elle, je n'avais d'yeux que pour elle, et il n'y avait qu'elle que je voulais impressionner. Alors, je la draguais. Ouvertement et sans bavures, comme je savais si bien le faire. Les filles, en général, elles mangeaient dans ma main sans difficulté lorsque je leur sortais ce jeu là, et je ne pensais pas qu'elle allait être différente. J'ai proposé aux filles de boire un verre. Sauf qu'elle s'est excusée et a dit qu'elle n'était pas intéressée. J'avais été surpris, ma mâchoire avait failli se décrocher. N'empêche que je n'avais pas lâché l'affaire et que je l'avais attrapée par le poignet alors qu'elle s'éloignait au loin, la suppliant de ne pas partir et de rester un moment avec moi. Je pensais qu'elle allait me baffer et reprendre son chemin, sauf qu'elle ne l'a pas fait. Alors, nous sommes tous allés prendre un verre, moi et mes amis, elle et ses amis. Je ne regardais qu'elle, même en m'adressant au groupe. Elle m'avait tapé dans l'œil. Je me voyais déjà à ses côtés, caressant sa peau douce, passant ma main dans ses cheveux .. Alors que je ne faisais que la draguer, pour l'instant. Je n'essayais pas trop fort, j'essayais d'être subtil et à chaque éclat de rire qu'elle laissait échapper, mon cœur fondait un peu plus. C'était le début d'une grande histoire. Je me rappelle encore l'avoir quittée en lui laissant un baiser sur la joue. Depuis, nous ne nous étions plus quittés. Passant de deux individus lambda à un couple, nous étions les plus heureux du monde. Jusqu'à ce jour, dont les souvenirs sont encore clairs dans mon esprit. Celui où elle m'a annoncé qu'elle était enceinte. Je ne l'ai pas crue, au début, et puis, j'ai eu l'impression que tout se transformait pour devenir un cauchemar. Je n'étais pas prêt, je ne pouvais pas avoir d'enfant, et je voyais dans son regard qu'elle en avait envie. Et j'ai fait l'égoïste, j'ai fait l'égocentrique, je lui ai dit qu'elle ne devait pas le garder, que je n'en avais pas envie. Comme elle faisait tout pour moi, elle a avorté. Mais notre couple a changé, c'était, comment dire .. Irrévocable. Nous nous disputions, je voyais cette petite lueur triste dans son visage à chaque fois que je parlais. Je savais qu'elle regrettait, de ne pas avoir eu cet enfant. QU'elle pensait que nous aurions été heureux, tous les trois. Et moi, je n'en pouvais plus. Je n'en pouvais plus alors je suis parti, je suis parti loin .. Et je lui ai menti, en disant que c'était pour un stage. J'avais l'ambition de devenir producteur de musique à cette époque, oui, j'avais encore de l'ambition. Mais bon, maintenant, ce n'est plus le cas.

Chapitre III

Je l'avais quittée, comme ça, sans même avoir un regret. Non, ce n'est pas vrai. Des regrets, j'en avais été bourré, comme si on avait mis tous ceux du monde sur mes épaules. J'étais fragile et je ne pouvais pas encaisser tout ce qu'il y avait à encaisser, quand j'étais avec elle. Et puis, j'étais lâche, c'était sûr, alors, j'avais décidé de fuir. Fuir parce que c'était mieux pour tout le monde, fuir parce qu'il n'y avait que cette solution pour moi. Pendant un an et demi je ne l'ai pas vue. Et quand je dis que je ne l'ai pas vue, c'est que je ne lui ai pas parlé du tout. Je ne savais pas comment elle allait, où elle était, ce qu'elle faisait, et avec qui. Peut-être qu'elle m'attendait sagement, mais peut-être qu'elle faisait la fiesta avec tous les gars des alentours. Pour ce que j'en savais … Entre temps, j'ai découvert un autre monde. Je suis revenu en France, là où j'avais vécu avec ma famille adoptive la majeure partie de ma vie. Jusqu'à mes 14 ans, en fait. Je retrouvais mes potes d'enfance et tout ça, ainsi que ma première petite amie .. Elle était un peu comme Luke, à vrai dire. Luke, ma petite amie. Quoi que, je ne savais pas si nous étions quelque chose encore. Elle était fougueuse comme je l'aimais, et elle me rappelait ce qui m'attendait « à la maison ». Alors, je m'évadais, je m'inventais une deuxième vie dans cet autre pays avec cette femme qui s'appelait Marilyn. Nous nous amusions, nous étions jeunes, nous étions fous, et je ne m'occupais plus de Luke. Je n'y pensais plus. Je ne savais même plus si j'allais rentrer aussi, et pourtant un jour, j'ai retrouvé un ancien carton. C'était un de ces cartons qu'on trouve en général dans les greniers, sauf que moi, il était dans un coin de mon appartement. Il y avait toutes les photos que Luke et moi avions faits et je me suis mis à repenser à mon ancienne vie, avec elle. Elle me manquait terriblement, et j'avais eu l'audace de l'oublier. Alors j'ai tout quitté, comme j'avais pu quitter Luke auparavant, avec des promesses de retrouvailles proches qui ne voulaient rien dire. Je suis reparti vers mon appartement pour découvrir un endroit abandonné, puisque la jeune femme était parti. Elle m'avait laissé. Je ne savais pas pourquoi, je ne savais pas comment, mais j'étais seul. Complètement seul.