i'll be there for you when the rain starts to pour

« Caleb, mon chéri, réveille-toi ».

Lentement, je sors des limbes, du paradis dans lequel je me trouvais quelques instants plus tôt. J’aurais même adoré ne pas être réveillé. Mais à 8 ans, a-t-on le choix ? J’ouvre les yeux et j’aperçois ma mère au-dessus de moi. Les cheveux tirés en un chignon parfait. Un sourire attendri et une main dans mes cheveux. « On est déjà arrivé ? » demandais-je alors, un peu stupidement. Elle ne m’aurait pas réveillé autrement.

C’est le quatrième voyage que je fais. Et c’était la première fois que je ressentais une sorte de tristesse quant à quitter l’Irlande. J’avais adoré ce pays. J’avais adoré y vivre pendant deux ans. J’avais adoré m’y faire de nouveaux amis. Et j’avais réellement cru qu’on y resterait cette fois. Mes parents y semblaient heureux quand ils y étaient. Mais ils ont la « bougeote ». Ils adorent trop voyager. Et je n’ai pas d’autre choix que de les suivre.

J’ai beau être un petit garçon adorable et qui a cette capacité à se faire de nouveaux amis en peu de temps … changer à chaque fois d’école, de ville, de pays et devoir recommencer à chaque fois … c’est la galère. Encore pire quand on grandit. Quand on est adolescent et qu’on découvre la puberté, la crise existentielle et qu’on pense avoir tout connu, tout vécu. Cette période de manque de confiance en soi, ces complexes qui vous agrippent et puis cette fille qui vous rend dingue. Y en a toujours une qui vous marque plus que d’autres, non ? Bah moi … y en a eu 5. J’ai fini par apprendre à ne plus « m’attacher » et à vivre le moment présent comme si c’était le dernier. Profiter de ce que la vie m’offrait.

Ainsi, j’ai pu apprendre à jouer de la guitare, à faire du théâtre, à composer, à dessiner, à lire … toutes ces choses qu’on ne peut pas faire en même temps en général … Moi, j’ai pu le faire. Et j’ai toujours été très doué en bande-dessinée. Je me rappelle que ma mère me répétait sans cesse que je finirai par travailler dans ce domaine. Elle ignorait à quel point elle aurait raison. Mais avec tout ce que je faisais et tout ce qui me plaisait, j’aurais pu devenir n’importe quoi.

A mes 18 ans, majorité enfin, j’ai pu dire »stop ». Je ne souhaitais plus bouger. Je ne voulais plus avoir à les suivre. Pas parce que je les détestais. Mais bien parce que ma vie n’était pas faite de voyages. Ou du moins, j’en avais eu assez pour les 18 prochaines années. Alors je suis resté à Boston. Seul. J’ai trouvé un job de barman pendant quelques mois, voire année, puis un petit appartement. De quoi vivre, tout simplement. En parallèle, je continuais d’exercer ma passion, de m’entraîner. Sans penser une minute à tenter ma chance. Jusqu’à ce qu’au bar où je bossais, l’un de mes collègues aperçoivent mes dessins et me dise : « waou, tu as un sacré talent, toi ». Juste ça. Simple et banal. Mais ça m’a poussé à tenter … Pourquoi pas, après tout ?

Et ça a marché. Aujourd’hui, j’ai 25 ans et je suis l’un des meilleurs dessinateurs de la région. Je n’irais pas à dire du pays, faut pas exagérer. Mais je gagne bien ma vie depuis deux ans. Et j’adore toujours autant ce que je fais. Je bosse pour le journal local. Une petite b-a rigolote, relatant le quotidien de la vie des gens. Et pour ça, je m’aide de mes voisins … il n’y a qu’eux pour m’inspirer aujourd’hui. Et croyez-moi, ils sont une source vachement puissante.

J’habite dans cet immeuble depuis presque deux ans et pour rien au monde je ne le quitterai … Je m’y sens bien et j’y suis tranquille … Le seul reproche qu’on peut me faire ? Oh, peut-être d’être trop mystérieux, quand tous sont des livres ouverts. Ou encore les mauvaises blagues que je peux faire quand on m’emmerde … ou encore le fait que si on entend crier chez les uns et qu’on entend de la vaisselle brisée chez d’autres … chez moi, on entend les femmes montées au septième ciel. Bah quoi ? Je ne suis pas fier, c’est un fait. On me l’a dit. La fidélité est un concept que je ne connais pas. Je respecte les femmes, n’imaginez pas que je sois un goujat. Elles savent toutes que je ne suis pas « sérieux ». Qu’avec moi, ça n’ira pas plus loin qu’une nuit sans lendemain. Je n’ai jamais été amoureux, je ne sais pas ce que c’est … comme je l’ai dit, j’ai appris à ne pas m’attacher … et je le fais à merveille.

Alors, êtes-vous prêt à être mon voisin ?