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i'll be there for you when the rain starts to pour

Je dois avouer ne pas avoir eu une enfance particulièrement différente de celle qui vous sera narrée par n'importe quel enfant. Comme la majeure partie d'entre nous, j'ai poussé mes premiers cris dans un hôpital et, plus précisément, dans celui de Phoenix. Mon existence commençait et n'était en rien prédestinée à être gâchée. Pas tout de suite. Mes parents m'avaient désiré plus que tout au monde et n'avaient cessé de prier durant la grossesse de ma mère. Elle avait, auparavant, déjà fait deux fausses couches ayant toutes deux amenuisées les espérances de mes parents. Ils n'y croyaient plus, et pourtant, je suis arrivée telle un ange dans leur vie, je suis arrivée tel un cadeau de Dieu, comblant pleinement deux êtres aimants. La photo de ce jour précieux réside aujourd'hui sur le mur du salon. Un enfant en pleine santé tenu dans les bras de parents radieux, plus que jamais. Ce fameux 6 Janvier 1988, rien n'aurait laissé présager un avenir incertain... Et pourtant.

« Papa,
Je sais pertinemment que cette lettre ne te parviendra jamais, que tes yeux ne parcourront nullement ces quelques lignes. Oui. Je sais que ce stylo que je tiens fébrilement rature des mots qui ne seront jamais transmis. Mais, je ressens ce besoin de me confier à toi à travers ce simple bout de papier, aussi inutile ce geste puisse t-il paraître. A peine majeure, je me surprend aujourd'hui à retrouver mon âme d'enfant, me replongeant dans des souvenirs me devenant bien trop douloureux. Assisse à même le sol, dans ma chambre, je contemple nos photos de famille et n'ose en détourner les yeux, de peur que les souvenirs me restant de toi s'en aille avec ton esprit. Je ne dors plus et ne mange plus. Maman ne m'y force d'ailleurs pas, elle se contente d’accuser le coup, aussi difficile cela soit-il. Son visage ne sourit plus, son âme semble perdue. Tu sais, cela fait une semaine jour pour jour que la terrible nouvelle nous est parvenue, une semaine jour pour jour que tu as disparu... Pourtant, plus les secondes s’égrènent, plus nos gorges restent nouées. Si tu savais à quel point c'est dur. Tout est arrivé si vite. À longueur de journée, les journaux télévisés s'emparent de multiples informations, toutes plus atroces les unes que les autres. L'Amérique est un continent de violence, inutile de le nier. Seulement, quand les faits s'immiscent dans notre vie, quand la mort tombe à nos pieds, on comprend que tout ceci n'arrive pas qu'aux autres. Tu étais au mauvais endroit au mauvais moment. Comme beaucoup d'autres individus s'étant fait tuer avant toi. Ton meurtrier reste toujours introuvable, peut-être a t-il quitté le continent. Cependant, j'ai bien du mal à me dire qu'à l'heure qu'il est, ce fou allié est potentiellement en train de faire une autre victime. J'ose espérer que ce criminel sera bientôt là, à pourrir dans une cellule aussi terne que notre vie depuis ton décès. »

J'avais eu la plus magique des enfances. Des yeux sans cesse pétillants de curiosité, un cœur pur et innocent bien trop vite brisé par une vie brimée. Fille unique, j'avais fait la fierté de mon père de ma naissance à sa mort. Toujours exemplaire dans mes études, j'avais sauté deux classe et étais désormais arrivée sans soucis à la faculté où j'étudiais la médecine. Mon avenir semblait tout tracé : je me voyais devenir une grande chirurgienne. Seulement, la disparition de mon père avait causé bien des maux... Alors que je tentais de garder la tête haute face aux autres, jamais je n'aurais cru que cet événement allait bouleverser à jamais ma vie professionnelle. Je m'avouais obnubilée par le procès tournant autour du meurtrier de mon père, sans nuls doutes trop pressée de le voir payer son acte. Il avait été retrouvé, pour moi, le ton était donné, il allait être emprisonné... Mais ce ne fut pas le cas. Son avocat, aussi impétueux soit-il, était parvenu à ses fins en innocentant cet homme pourtant coupable. C'est ce jour-là que mon destin se forgea. Énervée par cette affaire, je décidais de me lancer dans des études de droits, bien décidée à faire payer les coupables et à libérer les innocents. La justice devait être faite.

« Abby ? Tu es sérieuse ? Tu vas vraiment partir ? » Un frisson me parcourut l'échine à l'écoute de ces quelques mots. Paroles fatales. Je me figeais sur place, incapable de me retourner pour croiser le regard de mon interlocuteur. Face à moi, posée sur le lit, ma valise demeurait fin prête. « Abby, s'il te plait. Réfléchis avant de faire n'importe quoi. » Une larme, involontaire, s'échappa pour vaciller le long de ma joue, blême. La main de mon meilleur ami venait de se poser sur mon épaule. Il ne demandait qu'une chose, que je reste... Pourtant, il savait pertinemment que le meilleur pour moi était que je parte de cette ville m'ayant vu naître. « J'y ai longuement réfléchi, crois-moi. Phoenix m'offre de trop mauvais souvenirs liés au décès de mon père... Je ne supporte plus tout ça. » Ma voix tremblait, incontrôlable. J'avais tout juste vingt-deux ans. Mon père nous avait quitté depuis plusieurs années déjà pourtant, ce sujet restait extrêmement difficile pour moi qui n'en parlais que rarement. « De plus, j'ai entendu dire qu'un grand cabinet d'avocat cherchait à embaucher. J'ai toutes mes chances là-bas. Je dois prendre mon envol. C'est le moment où jamais. » J'attendais qu'il réplique une nouvelle fois, mais il n'en fit rien, le silence resta seul maître de la situation. Une dernière accolade en guise d'adieu et il me laissa partir, un billet pour Boston en main.

Je partais seule, vers l'inconnu, avec pour seul bagage mon diplôme de droit récemment obtenu. Je ne savais pas vraiment ce que je faisais. Où allais-je vivre? Comment allais-je bien pouvoir faire pour subvenir à mes besoins jusqu'à ce que je réussisse à me faire embaucher ? Comment allais-je évoluer si loin de mes proches ? Tant de questions autrefois futiles qui, dans l'avion, s'étaient révélées étouffantes et inquiétantes. C'était le commencement d'une nouvelle vie, un renouveau dont je ne connaissais rien... Les premiers jours après mon arrivée furent assez compliqués, inutile de le nier. Logée dans une chambre d'hôtel miteuse dont le seul avantage restait le prix assez minime, je m'étais forcée à devenir serveuse quelque temps, histoire de stocker quelque peu d'argent sur mon compte en banque. Dieu sait que je détestais ce petit emploi que je trouvais plus qu'inutile et sans rapport avec mes compétences. À côté de cela, j'enchainais les entretiens d'embauche ayant pour seul et unique but de pouvoir enfin exercer en tant qu'avocate. Mais personne ne semblait daigner vouloir m'embaucher, trop inquiets sans doute de me savoir aussi jeune avec un diplôme de la sorte en main. Non, personne ne semblait vouloir d'une nouvelle avocate jusqu'à ce fameux jour...

« Ma foi Mademoiselle Roseberry, vous remplissez toutes les qualités nécessaires pour pourvoir ce poste. Vous commencerez demain, rendez-vous à dix-heures tapantes. ». Une phrase de délivrance qui mettait fin à plusieurs semaines de grandes galères. Ponctuelle, je m'étais présentée à l'heure, loin de me douter qu'un client allait m'être assigné dès mon premier jour dans ce cabinet d'avocat. En réalité, c'était une dénommée April Jonhson, avocate de renom, qui avait pris la décision de me faire suivre un des ses anciens dossiers qui avait pourtant été fermé il y a de cela cinq ans. D'abord déçue d’écoper d'une affaire classée, je trouvais cependant bien vite une toute autre opinion face à cette enquête s'avérant intrigante. Il ne m'avait fallu qu'une seule et unique journée pour lire la totalité des paperasses liées à ce client, et, bien vite, je m'étais faite une opinion sur ce dénommé Maël McNeïl. Pour moi, il reposait derrière les barreaux pour rien... Je n'avais encore aucune preuve, certes, mais une grande intuition s'était nichée dans mon esprit: il était innocent, mais comment le prouver ? Cette seule idée en tête, j'avais décidé de ré-ouvrir l'enquête et ce, dans le plus grand des secrets. Je passais dès lors des jours entiers et des nuits interminables à essayer de faire la part des choses, étudiant les moindres détails du dossier jusqu'à ce qu'enfin, je trouve l'argument choc me permettant de prouver l’innocence de mon client. Je savais pertinemment que ce n'était que le début des événements, qu'il fallait désormais que l'audience prenne conscience de l'erreur commise cinq ans auparavant mais, j'étais plus que jamais déterminée et étais prête à faire éclater cette vérité.

En réalité, les choses s'étaient déroulées bien plus vite que je ne l'aurais pensé. Une semaine plus tard, j'avais effectué toutes les démarches nécessaires et déambulais dans les sombres couloirs de le prison, sur les talons du gardien. J'allais enfin rencontrer mon tout premier client et ce, pour lui annoncer sa libération. Au fond, j'en étais presque excitée. Une boule au ventre, je sentais mon cœur s'accélérer à mesure que mes pas se multipliaient. Soudain, le gardien se stoppa, me dénonçant d'un signe de tête la cellule qui nous faisait face. Je compris rapidement que derrière ces barreaux stagnait Maël McNeïl, l’accusé à tord. La gorge serrée, je m'étais approchée de lui, m'empressant de me présenter et de lui avouer les faits, hésitante. « Mademoiselle Jonhson m'a chargé de prendre la suite de votre dossier. Et vous … Vous êtes libre. J'ai réussi à vous innocenter. » A ce moment donné, rien n'aurait pu remplacer la fierté et la joie que j’éprouvais face à cet homme intrigué mais, tout bonnement souriant et heureux à l'idée de retrouver sa liberté d'antan. Avec la persévérance, on parvient à nos fins. J'avais gagné ce combat et ne pouvais qu'en être comblée.

Les yeux pétillants suite à cette victoire, j'ordonnais à cet ancien détenu de me suivre. L'invitant à prendre place dans ma voiture, j'étais bien décidée à le conduire en lieu sûr. Nous n'étions jamais à l'abri d'une retombée dans cette affaire. Les proches de l'enfant ayant été violée puis tuée, étaient persuadés de l'implication de Maël dans cette histoire. Si jamais ils venaient à apprendre sa libération, les choses pourraient basculer, j'en étais consciente. Plusieurs kilomètres plus loin, j'éteignais enfin le moteur devant un grand immeuble que je ne connaissais que trop bien. « Votre nouveau chez-vous. Bon, ça ne ressemble pas à une grande villa mais ce sera toujours mieux que la prison. » Sourire aux lèvres, je lui expliquais en bref les changements qui allaient devoir être effectués. Nouveau prénom, nouveau lieu de vie. Il devait s'y tenir, pour plus de sécurité. « Ah et j'allais oublier. Si vous avez besoin de quoi que ce soit... Je vis dans le même immeuble alors, n'hésitez surtout pas. »

« Bonne journée Théodore. », au détour des escaliers, un regard, un échange de parole, aussi rapide soit-il. « A toi aussi. »... Sans trop savoir pourquoi, notre relation n'avait cessé d'évoluer. Mon client ? Certes, il l'était toujours mais, au fond, il représentait bien plus, et ce sans même qu'il ne le sache. Progressivement, le tutoiement avait remplacé le vouvoiement de base et nos regards devenaient sans nuls doutes de plus en plus intenses. Étais-je réellement en train de m'enticher d'un de mes clients ? Il ne faut pas mêler vie professionnelle et vie privée. Dieu sait que ma mère me l'avait souvent répété... Pourtant, j'étais indéniablement en train de désobéir à la règle, me surprenant à esquisser de larges sourires à chaque fois que nous venions à nous croiser. Attirée ? Je le suis réellement et je m'en rend de plus en plus compte, jour après jour. Jusqu'où nous mènera cette histoire ? Seul l'avenir nous le dira.