i'll be there for you when the rain starts to pour

Foyer des Duval, Paris, décembre 1993

7 ans. Tel était l'âge que j'avais lorsque le premier drame familial arriva dans ma vie. Ma mère était venue me chercher à l'école et me ramenait à la maison. Ou plutôt la villa. Mes parents faisaient parti d'une des familles les plus riches du pays, ou plus exactement ma mère qui avait hérité d'un empire immobilier à la mort de son géniteur. Autant dire que nous vivions dans le luxe. Moi, j'étais un petit garçon adorable, incarnant l'innocence à l'état pure. Malheureusement je n'allais plus là garder pour très longtemps. C'est moi qui suis rentré le premier dans le living-room, qui ai découvert une scène d'horreur. Mon père étendu sur le sol baignant dans une flaque de sang, un pistolet à la main. Ce furent mes hurlements qui alertèrent ma mère qui se précipita dans la pièce en courant.

« Qu'est ce qui se passe, tu... ? Oh Mon Dieu ! »

Ma mère s'agenouilla près du corps de mon père et pleura toutes les larmes de son corps, ne cessant de répéter en boucle « Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? » Suite à cet événement tragique, je plongeai dans un mutisme qui dura plusieurs semaines, avant de finalement retrouver l'usage de la parole. A ce jour, le suicide de mon père reste et restera toujours un mystère. Personne ne se doutait qu'il en arriverait à une telle extrémité, lui qui était toujours si souriant. Il ne laissa aucun mot, rien, aucunes explications. Ce fut surement ce qui détruit ma mère, ne pas savoir...Se sentir coupable, responsable... Elle commença à boire, beaucoup plus que de raison. Au point qu'elle n'était plus capable de s'occuper de moi.

« Viens là mon chéri » Je m'approchai de ma mère qui me prit dans ses bras. « Tu sais que je t'aime n'est ce pas ? » « Oui...Mais pourquoi tu pleures ? » « Parce qu'on va devoir se quitter. Je...j'ai perdu le droit de te garder. Tu vas devoir habiter chez ta tante mon grand, je suis désolée » « Mais pourquoi ? Je veux pas te laisser ! » « Je sais mais il le faut. Tu dois être fort. C'est la meilleure solution pour toi, tu verras. Dès demain tu prends l'avion pour les Etats-Unis. » « Nooon ! Je ne veux pas partir, tous mes amis sont ici ! En plus je ne la connais pas, s'il te plait, je t'en supplie ne fais pas ça. » « Je n'ai pas le choix, je suis désolée. C'est ce qu'il y a de mieux pour toi. »

C'est comme ça que je fus envoyé aux Etats-Unis, à Boston plus précisément où vivait ma tante maternelle. Cette femme que je n'avais vu qu'une fois dans ma vie, lorsque j'étais bébé. Autant dire une complète étrangère à mes yeux. Elle était mariée et avait une fille de 8 ans prénommée Erica. Cette dernière ne vit pas d’un bon œil mon arrivée, ayant toujours aimé son statut de fille unique. J’ai eu beaucoup de mal à m’adapter à ce nouvel environnement, déjà je ne parlais pas un mot d’anglais, autant dire qu’on se fichait pas mal de moi. Mon oncle quant à lui me fit comprendre que je n’étais qu’un invité dans sa maison, à chaque fois il aimait me rappeler tout ce qu’il faisait pour moi, combien je lui étais redevable. A l’école on m’embêtait pas mal, forcément j’arrivais en plein milieu de l’année scolaire et je venais d’un autre pays. Sauf que je n’étais pas du genre à me laisser faire, ce qui me valu quelques problèmes avec la direction.

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Boston, 2001

16h. Ayant un prof absent, je pris la décision de rentrer directement à la maison, supposée vide. Mon oncle et ma tante travaillaient quant à ma cousine elle devait être en cours. Sauf que lorsque j’ouvris la porte, j’eus la désagréable surprise de trouver Erica en position allongée sur le canapé avec un type au dessus d’elle. Pas de doute quant à ce qu’ils faisaient. J’ai vu rouge automatiquement. « Dégages d’ici, immédiatement ! » Ils s’aperçurent enfin de ma présence, passablement gênée Erica s’empressa de recouvrir sa poitrine avec un coussin. « Zayne ? Mais qu’est ce que tu fais là, je croyais que t’avais cours… » « Non mais c’est qui ce type ? » « Ton pire cauchemar si tu ne quittes pas cette maison dans moins de 30 secondes » Je ne plaisantais pas le moins du monde. Mais l’ado, David – que j’avais reconnus, étant un des playboys du lycée – esquissa un sourire moqueur. « Vraiment ? Et qu’est ce que tu comptes faire ? Le dire à papa et maman ? Sérieusement c’est quoi ton problème ? T’es jaloux ? Peut être que t’aurais voulu te faire Erica aussi, c’est vrai qu’elle est super bon…» Avant même qu’il ne finisse sa phrase je me jetais sur lui et lui flanquai un coup de poing en plein dans le visage, puis deux, puis trois… Je ne me contrôlais plus. « Mais arrêtes tu vas le tuer !! » Il fallut qu’Erica me tire en arrière pour que je daigne m’arrêter. « Je ne veux plus jamais te revoir traîner autours d’Erica, est ce bien clair ? » Il hocha lentement la tête avant que je le laissai se relever. Il avait le nez en sang, la lèvre fendu et probablement un beau cocard qui se verrait un peu plus tard. Il ramassa ses affaires en quatrième vitesse et sortit de la maison. « Pt’ain mais t’es complètement malade !! Qu’est ce qui t’as pris ? » Parfois je pouvais avoir des réactions assez disproportionnées mais que ce type ai pu poser ses mains sur Erica ça me rendait malade. J’avais beau n’avoir 15 ans, je ne me pouvais m’empêcher de montrer protecteur envers elle. « Ce type est un connard fini, tu sais qu’il a du déjà se taper la moitié du lycée ? Qu’est ce que tu fou avec lui ? Tu me dégoutes…t’as que 16 ans je te rappelle ! » « Non mais tu te prends pour qui ? T’es pas mon père ! » « Non en effet. Mais peux être veux tu que je lui en touche deux mots ? J’imagine déjà sa tête lorsqu’il se rendra compte que sa petite princesse chérie n’est pas aussi innocente qu’elle ne le fait croire… » Oh oui parce qu’à la maison elle jouait la comédie de la fille parfaite, alors si son père venait à apprendre qu’elle n’était plus vierge je vous disais pas l’esclandre. « Non tu n’oserais pas… » « Et pourquoi pas ? » « Parce que…parce que sinon je lui dirais ce que t’as fait à David ! » J’haussai les épaules comme si ça m’importait peu. « Ne te gênes pas. Ce n’est pas comme s’ils attendaient quoi que ce soit de ma part alors que toi… » Je ne risquais pas de les décevoir dans la mesure où ils me prenaient pour un cas désespéré. « Allez s’il te plait, ne leur dit rien…Je ferais ce que tu veux ! » En réalité je n’avais pas la moindre intention de la balancer mais la faire paniquer ainsi ne lui ferait pas de mal. « Très bien, à condition que tu ne revois plus jamais ce David » « Promis. De toute façon je n’en avais pas l’intention au vu de la manière dont il m’a traité. Je ne sais pas à quoi je pensais en sortant avec lui » Bien au moins on était d’accord sur un point. « Parfait » Sur ce, je partis dans la cuisine me chercher de la glace pour poser sur ma main, car mine de rien ça faisait un mal de chien.

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Boston, février 2004

« B en mathématiques, A+ en espagnol, B- en Histoire… Bon sang qu’est ce qui t’arrives ? T’es sur que c’est ton vrai bulletin de note ? Que tu ne l’as pas falsifié ? » Ma tante paraissait impressionnée par mon bulletin, il faut dire aussi que je l’avais habitué à des résultats plutôt médiocres. Ce n’était pas tant du au fait que j’étais stupide mais plutôt à un manque de travail et d’intérêt. « Il est amoureux c’est pour ça…l’amour donne des ailes ! » Ma cousine avait cru bon d’intervenir « Ferme-la ! » Elle me tira la langue et s’éclipsa. Elle n’avait pas tout à fait tort, j’étais effectivement amoureux. De Gaëlle. Cette fille je l’avais dans la peau, depuis la minute où elle avait posé les yeux sur moi en boîte de nuit quelques mois plus tôt. Ressentir de telles émotions…je pouvais vous dire qu’au début ça m’avait carrément effrayé. Et puis j’avais laissé libre court à mes sentiments et depuis je ne l’avais pas regretté. Elle avait ce don de faire ressortir le meilleur en moi, à ses côtés je me sentais vraiment bien. Cette colère que j’avais constamment en moi disparaissait en sa compagnie. Elle me rendait heureux tout simplement. Et pour elle j’étais prêt à faire beaucoup d’effort, même travailler. « Sérieusement, je suis fière de toi. Peut importe le pourquoi du comment, continue ainsi » Wouah c’était très rare d’entendre ça venant de sa part. Bien que j’avais beau jouer les types qui s’en fichaient éperdument ça comptait beaucoup pour moi.

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Domicile des Steevens, Boston, décembre 2004

Je détestais le mois de décembre, la période de Noël, ces stupides traditions. Oh lorsque j’étais petit je me rappelais encore combien j’étais excité à l’approche du 25 décembre…jusqu’à ce qu’il décide de se suicider dans ces eaux là. Depuis c’était bien simple j’en avais horreur et je ne le fêtais plus. Ou je faisais simplement acte de présence chez ma tante mais rien de plus. Très peu de gens étaient au courant de la tragédie qui avait survenu des années plus tôt dans ma famille, même pas Gaëlle. Je lui avais baratiné la même version qu’à tout le monde : mon père s’était tué dans un accident de voiture durant mon enfance et ma mère avait décidé de m’envoyer aux Etats-Unis pensant que j’y aurais une meilleure éducation. Fin de l’histoire. Après tout ça ne regardais personne d’autre que moi. Bref ce soir, la seule chose à laquelle j’aspirais était de passer un peu de temps en compagnie de ma petite amie. Elle avait le don de savoir me changer les idées, en sa compagnie tous mes problèmes disparaissaient. Sauf que voilà, les choses ne se sont pas exactement passées comme prévue, mais alors pas du tout. Il a suffit de 3 malheureux petits mots pour que tout dérape. « Je suis enceinte » J’eus une absence de quelques secondes le temps que l’information arrive à mon cerveau. Enceinte…Gaëlle, enceinte ? Ce n’était pas possible, on avait couché qu’une seule fois ensemble ! On s’était protégés ! Comment…D’un coup ça me paru évident : elle m’avait piégée. Cette garce l’avait fait exprès ! Une rage soudaine, incontrôlable monta en moi « Tu te fou de ma gueule !? » Et l’autre tremblait comme une feuille, même pas foutu de dire deux mots. « Putain, mais t’es vraiment une salope ! » lui lançais je avec dégout. Voilà qu’elle se mit à chialer maintenant. Et là je ne sais pas ce qui m’a prit, je l’ai frappé, frappé et encore frappé jusqu’à ce qu’elle ne bouge plus. Ce fut seulement à ce moment là que je repris mes esprits. « Oh mon dieu…mais qu’est ce que j’ai fais ? » Je m’accroupis à sa hauteur et la prit dans mes bras. « Je suis désolé…je suis désolé, je t’en pris réveille toi » Mais Gaëlle restait complètement inerte et ne semblait plus respirer. Croyant avoir commit le pire, je quittai la chambre précipitamment. Complètement paniqué à l’idée que j’ai pu la tuer, qu’on vienne m’arrêter et me foutre en prison, j’empaquetai rapidement quelques affaires et prit le premier avion en partance pour Paris sans même réfléchir. J’ai pris refuge chez la seule personne que je connaissais encore en France, ma mère. Je lui ai tout raconté et malgré cela elle ne me jugea pas et accepta de me loger chez elle. Je n’ai pas dormis de toute la nuit tant j’étais agité, priant pour que Gaëlle aille bien. Alors le lendemain je lui ai téléphoné, et lorsque j’entendis sa voix à l’autre bout du fil je raccrochai immédiatement, soulagé. Elle était en vie. Je n’avais pas commis l’irréparable. Néanmoins cela n’enlevait rien au fait que je me sentais misérable. Un moins que rien. Ma mère qui avait beaucoup changé depuis la dernière fois que je l’avais vu – elle s’était désintoxiquée et était sobre depuis 2 ans – me fut d’une grande aide morale. C’est elle qui me poussa à suivre une thérapie pour gérer ma colère, qui m’aida à me reconstruire, à refaire ma vie.

Aujourd’hui 6 ans se sont écoulés depuis l’agression et je me sentais enfin prêt. Prêt pour affronter mon passé, pour revoir Gaëlle… C’est ainsi que je pris l’avion pour Boston – contre l’avis de ma psy. Celle-ci était complètement contre à mes projets, ne sachant pas comment je pourrais réagir à revoyant Gaëlle, pourquoi gâcher tous ces efforts et risquer de replonger ? Enfin elle m’a sortit tout son baratin de psy, sans le moindre effet. 6 longues années que je n’avais pas arrêté de penser à elle. Comment vont se passer les retrouvailles ? Une chose est sure elles risquent d’être mouvementées.