Le métro était bondé, nos corps se serraient les un contre les autres. J'avais du mal à respirer tellement cette abondance de foule m'oppressait ! Je me cramponnais difficilement à un siège, tentant de ne pas tomber en arrière. Une affreuse odeur nauséabonde me souleva l'estomac : un mélange de cigarette, d'alcool et de vomi. Une odeur de moisi et de pourriture. Je fermais les yeux un instant, essayant de ne pas penser à l'odeur et à toute cette foule autour de moi. J'appuie ma joue droite contre le verre froid de la vitre. Je me laisse emporter par la musique qui résonne au fond du métro et je laisse mes yeux fermés. Je me laisse à rêver, encore et encore. Je voudrais tant ne plus penser, ne plus être confrontée, à cause de cette fichue empathie, à ces scènes qui me hantent si fort. Toujours la même chose. Cigarette entre mes lèvres. Horrible. Hôpital devant moi. Horrible. Avortement. Horrible. Et surtout lui. HORRIBLE HORRIBLE HORRIBLE ! Je me lève en sursaut, bousculant une petite fille qui tomba fesses les premières sur le sol crasseux du métro. Le métro s'arrêta, ce n'était pas ma station mais peu importe il fallait que je sorte, vite, très vite... L'odeur de pourriture était là : dans mon ventre. C'était horrible, pire que l'odeur de l'hôpital, pire que tout. Je bousculais les gens pour sortir à toute vitesse d'ici. Je courais presque, voulant m'enfuir d'ici, courir loin de cette odeur qui me soulevait le coeur. Je n'avais même pas remarqué que j'avais laissé mon manteau roulé en boule sur mon siège dans le métro. Peu importe, ça n'avait pas d'importance. Doucement, je reprenais mon souffle, doucement je marchais. Un pas devant l'autre sans me presser. L’air frais, dégagé de toutes les saloperies du souterrain, rentrait dans mes poumons. Boston était noirci par la nuit qui tombait petit à petit, les passants se pressaient pour rentrer chez eux, embrasser leur femme, lire une histoire à leurs enfants, téléphoner à leur mère... Moi je n'avais pas envie de rentrer, je n'avais pas envie de prendre mes médicaments, de regarder la télé et d'allé me coucher. Non. J'avais envie de faire autre chose, j'avais envie de fumer, j'avais envie de boire. PUTAIN ! Non je ne peux pas. Vraiment pas. Je continuais de marcher, tête baissée. Ca y était ! Je savais ce que je voulais faire : passer chez Noah et regarder un DVD. Genre, je voulais vraiment ! Avec le temps que je n'avais pas donné de nouvelles, il aurait pu me croire morte. D'une certaine façon je l'étais : morte. Morte à l'intérieure, il ne me restait rien de cette flamme qui m'animait autrefois, je n'ai plus cette naïveté qui m'habitait avant l'avortement. Je n'arrivai devant l'appartement de Noah que une demi heure après, oui, c'est vrai j'avais traîné en route. Mais rien ne m'attendait. Je frappai, rapidement, d’un coup sec. La porte de l'appartement s'ouvrit sur un Noah souriant, étonné de me voir devant sa porte. " Quoi ? Fais pas cette tête, je t'honores de ma présence royale dans ton p'tit apart' alors souris ! " Je lui souris, ma relation avec Noah avait toujours été complexe, je n'avais jamais su comment le considérer. Mais oui, nous étions toujours très proches. Je rentrais dans l'appartement sans demander la permission, je n'en avais pas besoin de toute façon. " Alors, comment va la vie ? " Je me laissai tomber sur le canapé, soupirant bruyamment. "MINCE ! J'suis trop conne j'ai oublié mon manteau dans le métro.... " Je me tapais le front avec ma main droite, quel cervelle de poisson rouge parfois !


désolé c'est court je me rattraperais *.*

Quand je revois mon père me dire que la vie est difficile, que je devrais arrêter d'agir comme un gamin, ça me fait rire. Il me disait sans cesse que rien de bien n'arrivait aux feignants, qu'ils finissaient chômeurs ou bien serveur dans un fast-food. Regardez-moi aujourd'hui. Je n'ai jamais été un homme à fond dans les études et le travail et pourtant j'ai réussi. J'ai eu mon diplôme d'avocat, j'ai un appartement et pas de petite amie mais c'est pas grave. Je m'amuse avec différentes femmes et c'est largement suffisant. Pourquoi s'engager dans une relation, devoir offrir des fleurs, être fidèle quand on peut juste avoir les bénéfices apportés par le sexe ? Voilà comment je vis et même si mon père aurait préféré me voir en couple avec une jeune fille respectable, je suis heureux dans ma vie. Je suis bien entouré notamment par ma petite sœur adorée et ma colocataire qui me déteste. Mais toutes ces personnes que je côtoie chaque jour sont ceux qui ont de moi ce que je suis alors je ne regrette aucune de ces rencontres. Une des personnes qui a le plus changé ma vie est sans hésiter Daphné. Une de ces rencontres qui changent votre vie même si vous n'en soupçonniez rien au début. Je n'aurais jamais cru que cette petite fille qui se faisait passer pour la petite intello et qui adorait me narguer deviendrait ma meilleure amie aujourd'hui. Certes notre relation était bien souvent plus compliquée que ça mais quand je la présentais, elle était ma meilleure amie. Utiliser ce simple mot était bien plus simple qu'autre chose. Surtout que je ne saurais la définir autrement. Nous n'avons jamais mis les choses au point entre nous, préférant attendre de voir où ça allait nous mener. Il y avait des périodes où on ne se voyait presque pas mais ça ne durait jamais bien longtemps. Même nos pires disputes finissaient par se régler naturellement. D'ailleurs, cela faisait un moment que je ne l'avais pas croisée pourtant notre dernière rencontre s'était bien passée pour ce que je m'en souviens.

Cette journée était une journée tranquille. Je n'avais pas eu à travailler vu que nous étions fermés pour la journée et j'appréciais de pouvoir me reposer. Je n'avais pas pu profiter d'une grasse matinée à cause de Jude mais cette journée était bonne quand même. J'avais fait rapidement mon travail en retard avant de me poser devant la télé. Je n'allais sûrement pas être très productif aujourd'hui mais peu importe, j'étais en congé. Je pris un paquet de chips pour me nourrir et je mangeais en regardant Friends. J'avais déjà vu les épisodes mais peu importe, c'était toujours drôle. Et là, pile au moment où Ross va avouer ses sentiments à Rachel pour la cinquantième fois, on frappe à la porte. A contre cœur, je bouge mes fesses et je vais ouvrir pour tomber nez à nez à Daph. " Quoi ? Fais pas cette tête, je t'honores de ma présence royale dans ton p'tit apart' alors souris ! " Je souris alors qu'elle entrait. Malgré le temps depuis lequel elle n'était pas venue, elle était toujours la même et se croyait chez elle. Je fermais la porte et la suivis dans le salon. " Alors, comment va la vie ? " " C'est maintenant que tu t'en inquiètes ? Mais tout va bien, pas la peine de te faire du souci. " Elle s'affala dans le canapé et sembla remarquer qu'il lui manquait quelque chose. "MINCE ! J'suis trop conne j'ai oublié mon manteau dans le métro.... " Je pouffais en m'asseyant à côté d'elle. " Ça ne s'arrange pas toi dis donc ! " Je pris le paquet de chips sur la table et le lui proposais. " Ça faisait longtemps, quelqu'un t'avait enlevé et quand il a vu à quel point tu étais chiante, il t'a relâchée ? " Je souriais. J'aimais la taquiner parce que je savais très bien que ça allait l'énerver mais de façon gentille. Elle était toujours et restera cette petite fille sûre d'elle et plutôt chiante dans son genre. Mais je l'aime ainsi et rien ne peut changer ça.

Il s'était assis à côté de moi en souriant. Il n'avait pas changé, pas plus que moi en faite. Il m'avait manqué, bien plus que je n'oserais l'avouer un jour ou l'autre, ce n'était pas comme l'absence de Joshua ou d'Eulalie, ce n'était pas un trou béant dans ma poitrine invisible aux yeux des autres, ce n'était pas comme si j'y pensais tous les soirs la tête sur l'oreiller et tous les matins en me coiffant devant la glace. Non. C'était différent, mais ce manque était toujours présent. Peut-être que c'était de ma faute que l'on ne se soit plus vu, ou peut-être de la sienne. Je ne sais pas, je ne sais plus. J'ai fini par oublié ces souvenirs pourtant si clairs, j'ai fini par oublier ce qui semblait évident. Entre les cendres de mes cigarettes et toutes les bouteilles d'alcool, entre les poissons rouges et mes yaourts à la fraise. Mais je vais mieux, beaucoup mieux, ou alors c'est ce que j'essaye de me faire croire à moi même : que ça va mieux ! Ce qui est beau, c'est cet instant présent, nous deux assis l'un à côté de l'autre, à ce sourire, à discuter... Ce qui est beau, c'est ce qu'on saisit alors que ça passe. C'est la configuration éphémère des choses au moment où on en voit en même temps la beauté et la mort. Est-ce que ça veut dire que c'est comme ça qu'il faut mener sa vie ? Toujours en équilibre entre la beauté et la mort, le mouvement et sa disparition ? C'est peut-être ça, être vivant : traquer des instants qui meurent. " C'est maintenant que tu t'en inquiètes ? Mais tout va bien, pas la peine de te faire du souci. " Les paroles de Noah sonnaient comme des reproches, de ne pas avoir été là.... Bien sûr, j'étais là aujourd'hui, avec l'envie de retrouver le temps perdu ! Ici, à Boston, j'avais trouvé des amis, une nouvelle amie, toutes ces choses dont j'avais besoin pour recommencer à zéro. " Ça ne s'arrange pas toi dis donc ! Ça faisait longtemps, quelqu'un t'avait enlevé et quand il a vu à quel point tu étais chiante, il t'a relâchée ? " Je lui donnais une petite tape dans le dos, en tout cas, il n'avait pas perdu la main pour m'emmerder lui ! " Haha très drôle ! Je t’emmerde vieux blaireau macho. D'abord t'oublie que je suis la plus veille, alors on respecte ses ancêtres. " J'arquais un sourire amusé.

Et ailleurs, dans un autre appartement, pas si loin de nous, résonnait une musique si douce, si entraînante. Je le prends par la main, je l'entraine avec moi au milieu de l'appartement. " Tu l'entends cette musique là ? C'est ma préféré. Allé viens, on va danser. Juste un peu, juste le temps que tu me racontes un peu, juste ta vie, juste ce que j'ai loupé. Et ne me dis pas que je n'ai rien loupé, ce n'est pas vrai ! J'ai loupé beaucoup de choses... " Et moi ? Ma vie ? Moi je ne veux pas en parler, ça fait trop mal, c'est comme réouvrir des plaies, des cicatrices sur le points de disparaître. Non, je ne veux pas.... Je veux juste écouter ! Nos pas dans l'appartement en désordre semblaient comme une évidence. La musique douce et lointaine résonnait à nos oreilles, j'aimais les notes, cette mélodie sans faille qui nous faisait danser. J'avais l'étrange impression de retomber enfant, ou peut-être adolescente, quand j'entraînais Noah sur ma musique favorite, sur les notes de piano si douces, sur ces accords que je n'ai pas oublié. " T'as vu Noah, comme avant. " Et j'ai souris. Cela ne voulait pas dire que les dizaines de bouteilles dans mon appartement allaient disparaître du jour au lendemain, ni mes cauchemars, ça ne voulait pas dire que Eulalie allait arrêté de me tromper avec toutes les femmes qu'elle rencontrait. Mais c'était un message d'espoir, c'était au moins ça pour moi !