Si on considère le rapport poids/décibel, le rendement sonore d'une mouche surpasse celui d'un avion. Telle était la pensée de Sid à cet instant précis, alors qu'il observait les engins arrimés sur le quai. Il y 'eut un appel au haut parleur, une publicité sans intérêt. Sid esquissa l'ombre d'un sourire, moqueur. Il en avait plein le dos de cette propagande H 24. Bientôt ils devaient payer la taxe liberté. Hagard, il traça un calcul dans le vide, sur le rebord de la baie vitrée. Les avions c'était pas son truc, il les préférait en carte postale. Tout comme les aéroports. Si on les laissait faire, ils aseptisaient votre estomac après le mac do. Une société de contrôle, voila ce qu'il voyait quand il venait ici. Le culte de la copie, de l'uniforme. Une politique du capital et de la sécurité qui lui donnait envie de gerber. Cette psychose de l'étranger, parce que si on creusait un peu c'était bien de ça dont on parlait, lui donnait de l'urticaire jusque dans ses dessous de bras. Quelques secondes s'écoulèrent, interminablement longues et ennuyeuses, avant qu'un agent ne vienne le déscotcher de la vitre, parce que les gens commençaient à le regarder bizarement. Un type qui sent le wisky et qui n'est pas rasé depuis une semaine c'est déja pas net mais passe encore. Le coup des calculs dans le néant cosmique par contre, c'est le rebus général. Sid siffla une injure avant de s'éloigner de quelques pas. Le manque de nicotine pulsait dans ses veines comme un tam tam et son rancard, un merveilleux 95 C, était en retard. Pas de veine ! Il avait beau tenter de les comprendre, les femmes restaient des êtres insaisissable et absurdes. Enfin bon, une de perdue dix branlettes de retrouvées comme dit le proverbe. Il ne lui restait plus qu'à rentrer à pied sous la flotte pour terminer sa bouteille de whisky.

- Excusez moi, je ne vous avez pas vu ! Une excuse pour la forme, lancée au hasard des formalités de sa journée. Un sourire poli, presque évasif. Déja les inconnus se séparent. Sid reprend sa VDM, comme si l'autre n'avait jamais existé. Un ectoplasme de plus dans la jungle des visages. Ca ne demande pas de trop penser ce genre de rencontre, c'est un automatisme. Un croisement fortuit, rien de plus. Sans conséquences.

"C'est bon les gars chopez les, c'est le code ! Go go go !" Sid ne comprit pas tout de suite ce qui était en train de se passer, la scène paraissait irréelle, presque comique. Comme dans un mauvais film d'action. Ils étaient une dizaine, leurs armes pointés sur sa carcasse, silencieux comme des tombes. Sid cligna des yeux. Une fraction de seconde plus tard il était plaqué sur le sol, immobilisé par deux bouledogues en uniforme. A ses côtés, le pecno qu'il avait bousculé venait de subir le même sort. Un cri. Quelques minutes s'écoulèrent. "Vous avez le droit de garder le silence. Je vous incrimine pour proxénétisme et tentative de viol sur une personne mineure. Tout ce que vous pourrez dire ou faire pourra être retenu contre vous au tribunal." Le type était grand, mince, avec la gueule de Tom Hanks qui vient de se prendre un train. Il jubilait. "Connard, tu t'es cru dans Scarface ou quoi ? T'en as une si petite que ça que t'as besoin de rouler des mécaniques avec ton flingue chargé à blanc et tes bottes de chasseurs ?" Coup de matraque dans les dents. Ouille, ça fait mal."Moi les gars comme toi, je les baise. Alors t'as pas intérêt à faire le guignol. Capice ?" Regard inquisiteur, presque cynique. "Ouais je crois que j'ai pigé."Téméraire mais pas suicidaire comme on dit.

C'était un cauchemard, il allait se réveiller d'une minute à l'autre dans son lit avec un gros mal de crâne. Une bonne cuite, quelques pétards de trop et voila le résultat ... Il devait y avoir une erreur, il n'était coupable d'aucun crime - du moins pas dans cet état lol -, quand à parler de proxénétisme ... Il avait bien payé quelques verres à l'occasion mais ça n'allait pas plus loin. Ou alors ... Oui c'était la seule solution potable à ce merdier. C'était l'autre le coupable, le sale débile qu'il avait bousculé par inadvertance. Une belle gueule de film X. Oui ça devait être ça ... Un enculé vif ce mec ! Un agent vint l'attraper par le bras, l'attirant vers la voiture stationnée devant l'entrée principale. Il entendit la voix d'une femme à ses oreilles, coincée comme un balai de chiottes : "Y a plus de moralité publique."

« Les passagers du vol 67451, à destination de Miami sont priés de se rendre à la porte C2 pour embarquement immédiat. » Je haïssais les aéroports, ils étaient toujours bondés de monde et c'était toujours une course contre la montre. Mon bagage venait à peine d'être enregistré qu'une longue course vers la porte d'embarquement commença. Il ne fallait en aucun cas que je rate cet avion, c'était le dernier à destination de Miami et mon groupe devait se présenter sur scène le soir même. Dans ma course, je bousculais certaines personnes et tentais de m'excuser à chaque fois, mais je n'avais pas de temps à perdre pour ce genre de politesse. Cependant, j'eus le temps d'être surpris par un homme qui s'excusa de la bousculade alors qu'il n'était en aucun cas fautif. Il ne me restait plus qu'à faire cinq cent mètres et j'arrivais à mon but, j'étais presque fier de moi jusqu'à ce que je vois une bande de flics, alignés devant la porte d'embarquement. Je soupirais et passais ma main dans mes cheveux, ils étaient toujours là pour faire chier.

« Ecoutez, je dois prendre cet avion dès maintenant! J'ai payé mon billet et si vous cherchez un sans-papiers ou une quelconque autre personne, ça n'est pas moi. » A peine avais-je terminé ma phrase qu'on me plaqua sauvagement au sol et sous les yeux ébahis des voyageurs. Ca n'allait pas se passer aussi simplement, pour qui se prenaient-ils à traiter les gens de la sorte ? « Putain, mais vous êtes dingues! Lâchez-moi, j'ai un avion à prendre et allez plutôt vous occupez des vrais criminels. » Je me débattais, mais pas pour longtemps puisque l'un des gendarme me frappa d'un coup de pied dans le ventre. « Monsieur Nataël Dawkins, je vous arrête pour proxénétisme et viol sur une mineure. Vous avez le droit de garder le silence et vous pourrez, si vous le souhaitez, contacter un avocat à votre arrivée au poste. »
Pendant ce temps, un autre gars me passait les menottes et à l'écoute des raisons de mon arrestation, je me cogna la tête contre le sol. Comment ça pouvait être possible ? Je n'étais pas un criminel et toucher à une mineure ? La blague! Ils me relevèrent et je vis une autre bande de gendarme s'occupait d'un homme aux cheveux mi-longs, sa tête me disait quelque chose. C'était ce ringard qui s'était excusé lors de notre bousculade! Je n'étais peut-être pas l'homme le plus musclé du monde, mais si j'étais dans cette merde à cause de lui, il allait me le payer. C'était mort pour moi, pas de concert ce soir et les journaux allaient certainement se faire un malin plaisir de m'incendier. Une nouvelle pareille n'allait pas passer inaperçue et malgré mon innocence, peut-être que cela porterait un préjudice énorme au groupe. A cet instant, je maudissais ce gars et aussi les flics, ils n'étaient même pas capables de faire du bon travail.

Tête baissée, on m'amena jusqu'à la voiture de police et je me retrouvais assis de l'autre personne inculpé. Je lui lança un regard noir et lui murmura : « Tu le regretteras. » On me croyait violeur et proxénète, c'était n'importe quoi. L'idée d'imaginer que mon voisin était un porc et un criminel me répugna. On nous donna l'ordre de ne pas parler, ils craignaient certainement qu'on manigance un mauvais coup et pourtant, si ils savaient, on ne se connaissait même pas! On se serait cru dans une vieille série policière, gyrophare allumé, vitesse impressionnante, du grand n'importe quoi. A notre arrivée, les flics se félicitèrent de leur trouvaille et on nous balança comme des animaux dans un bureau vide, apparemment ils n'étaient pas prêts de nous lâcher.