i'll be there for you when the rain starts to pour

Je suis née alors que le printemps arrivait, alors que les fleurs poussaient et que les fruits murissaient. Il était tard, très tard, et pourtant, à l'hôpital, tout était bien agité. Il y avait ma mère, qui souffrait et qui poussait de toutes ses forces pour faire sortir de son ventre son dernier bébé, sa dernière pépite d'or. Il y avait mon père, tout ému, incapable de décrocher un mot. Et il y avait mon frère, qui me regardait naitre, et qui ne comprenait peut-être pas tout ce qui se passait. Je n'en savais rien. J'étais née, voilà, et à l'époque, mes parents pensaient que j'allais leur petite fille chérie adorée. Et bien non. Je n'allais pas être la fille modèle, je n'allais pas être la fille qu'ils pouvaient vanter, j'allais seulement vivre ma vie, comme tout être humain normal. Je grandis, normalement, près de mon frère Gabriel. On était très proches, et très vite, j'ai pris exemple sur lui. Il était mon modèle au masculin en fait, et je lui vouais une certaine admiration. « Charlotte, il est où ton zizi ? » Voilà le genre de remarque que je pouvais subir assez souvent à l'école. Et je répondais toujours avec une grossièreté, ce qui n'arrangeait pas mon cas. Personne ne m'aimait, et je n'aimais personne. Je ne me sentais pas bien, à cause de ma soi disant différence. Je n'aimais pas aller à l'école, parce que tout le monde se moquait de moi. Les maitresses essayaient de tout faire pour arrêter ces moqueries, mais rien n'y faisait. Alors je m'évadais, autre part. J'aimais bien aller dans la cabane du jardin, lire un livre. Je m'imaginais un autre monde, je vivais dans un monde parfait, où personne ne me jugerait. J'étais bien, au fond de ma cabane, en harmonie avec la nature, et en exclusion de la société.

« Tu veux une clope Charlotte ? » « Non merci. » « Bon allez quoi, fais pas ta chochotte ! Moi qui pensait que t'étais une dure à cuire. » « Casse-toi ! » Il s'en est sorti avec un œil au beurre noir. Oui, je n'aimais pas qu'on m'embête. Et comme je ne savais pas m'exprimer, je préférais répondre par la violence. Cette situation me plaisait bien. Je me faisais respecter, et plus personne ne se moquait de moi. On me fuyait presque, mais c'était mieux ainsi. J'étais toujours isolée du monde, et bien que je disais que j'aimais ça, au fond, je savais que non. Je voulais plaire aux gens, et je voulais me faire remarquer. J'admirais les filles populaires du lycée, et je les enviais beaucoup. Mais je savais très bien que tout ça, cette beauté, cette popularité, ce n'était pas pour moi. Non, j'étais plutôt le genre de filles qu'on n'osait pas aborder, parce qu'elle n'a pas l'air sympathique, et qu'on la trouve étrange. Je pensais que j'étais bien toute seule, mais très vite, je me suis rendue compte que cette solitude me tuait. A part mon frère, je n'avais personne. Alors j'essayais de m'ouvrir aux autres, bien que ce fut difficile. Il y avait une fille, qui avait l'air sympathique, et que j'ai abordé. Elle est devenue ma meilleure amie. Ce fut un grand pas pour moi, d'avoir une amie. Et à partir de ce moment-là, je ne cherchais plus à rencontrer d'autres personnes. Elle me comprenait, elle était là pour moi, et on partageait tout. Jusqu'à ce que je tombe amoureuse d'elle. Ça m'a fait bizarre, de ressentir quelque chose pour une fille, mais je ne pouvais pas nier: j'aimais ma meilleure amie. Je n'ai pas réussi à lui dire, et je crois que je le regrette beaucoup. Je ne sais pas si je la reverrais un jour, mais mon adolescence a été géniale, grâce à elle. C'est elle qui m'a sauvé de mon gouffre. Elle a tout fait pour moi, et jamais je ne l'oublierais.

« QUOI ?! Tu me dis que tu aimes les filles ? Mais ça ne va pas non ?! » Ça, c'est mon père. Je ne l'ai jamais vu aussi rouge que ça. Je sens qu'il va exploser, il bouillonne de colère. J'ai l'impression d'être un pauvre lapin qui va se faire manger par un tigre. Les larmes coulent sur mes joues, et je suis incapable de me contrôler. Il ne comprend pas, il est complètement idiot. Et moi, je n'ai qu'une envie: fuir. « Papa, ce n'est pas de ma faute. Je suis comme ça, et si tu ne l'acceptes pas, je serai forcée de fuir. » « Je ne te comprends vraiment pas, Charlotte. » « Moi non plus. » J'ai ensuite éclaté en sanglots. Il m'en voulait, je le savais. Il n'acceptait pas que je sois comme ça. Pour lui, c'était inconcevable. Il s'était peut-être emporté, mais peu importe, il n'avait pas à être aussi injuste avec moi. J'étais sa fille, après tout. Alors je suis partie, comme mon frère. Lui aussi il avait fui. C'est bien qu'il y avait quelque chose qui clochait chez mes parents. J'ai tout emporté avec moi, ne laissant aucune trace de moi. Si, j'ai envoyé une lettre à ma meilleure amie avant de partir, parce qu'il fallait que ça sorte. « Chère Rachel, je t'écris aujourd'hui pour te dire que je pars. C'est compliqué, mais c'est ainsi. J'espère que tu ne m'en voudras pas trop d'être partie comme une furie. Avant de partir, j'aimerai te dire quelque chose de très important: je t'aime. Voilà, c'est dit. Non je ne t'aime pas en tant qu'amie, c'est beaucoup plus fort que ça. Tu dois sûrement trouver ça étrange. Moi non plus je ne pensais pas que j'aimais les filles. Tu n'es pas obligée de me répondre, je comprendrais. Sache juste que, tu es ma meilleure amie, et tu es très importante à mes yeux. Je ne sais pas si on se reverra un jour, mais s'il te plait, ne m'oublie pas trop vite. » J'avais les larmes aux yeux. Pour moi, la France, c'était terminé. J'appréhendais l'avenir. Tout ce que je savais, c'est que mon avion pour Boston allait décoller dans quelques minutes.