Lost and insecure,
you find me.

On commence par oublier les noms, puis on oublie les dates, les anniversaire, les visages, les lieux, et à la fin on finit par s'oublier soi-même. Zeppelin avait une conception de la vie qui touchait de près le néant de l'âme et l'anéantissement de notions tels que l'amour ou l'amitié. Il était dur pour un jeune homme d'à peine vingt-trois ans de faire ainsi face au désordre de la vie, au brouhaha des idées qui se bousculaient dans sa tête. Pourquoi n'avait-il pas mis fin à ses jours ? Voilà la question qui revenait le plus souvent dans l'esprit de Zeppelin. Pourquoi ? Simplement parce que s'ôter la vie demande du courage et que le jeune homme n'en a jamais eu. Il vivait meurtri, renfermé dans son appartement et dans son taxi, n'adressant la parole qu'à ses clients pour leurs dire bonjour/au revoir, les banalités d'usage. Cela faisait maintenant plus de quatre que Zeppelin était en service et son ventre commençait à crier famine, il lui fallait une pause déjeuner avant de tomber dans les vapes. Le jeune homme arrêta son véhicule à hauteur d'un restaurant chinois et se donna la peine de prévenir le central de son arrêt. C'est d'une humeur maussade et massacrante que Zeppelin se commanda à manger, fusillant la serveuse des yeux à cause de l'attente le jeune homme du cependant lui accorder un semblant de sourire en lui tendant l'argent. On à beau vouloir paraître insensible il n'en reste pas moins que l'on est humain, et puis les parents de Zeppelin lui avait toujours enseigné l'art d'être poli, sauf que c'était Stroke le gentil garçon, pas lui.

Prenant place sur l'une des nombreuses banquettes vides du restaurant, le jeune homme se plongea dans les souvenirs de son frère au lieu de son plonger dans son poulet citron, ce qui raviva chez lui une forte envie de frapper dans les murs et de ce mettre à pleurer. Rien ne vaut les larmes de la mélancolie et de la tristesse, chassez le naturel et il revient au galop comme dirait d'autres. Le temps sembla passer avec une infime lenteur, comme si chaque secondes s'étaient soudainement transformées en minutes et qu'elles tombaient très lentement dans le sablier. Ce fut le portable du jeune homme qui le sorti de son inertie chinoise accentuée par les vapeurs de son plat. Le numéro qui s’affichait sur l'écran ne lui était pas inconnu, bien au contraire. Cette fille n'arrêtait pas de le harceler, dans le bon sens du terme, faisant de lui son chauffeur attitré pour tous ses déplacements. Dire qu'il ne connaissait même pas son nom de famille ni même son âge, tout ce qu'il savait d'elle était son prénom, Aëlys.

Les embouteillages venaient de rendre Zeppelin beaucoup moins commode qu'à l'habitude, il se maudit intérieurement une fois de plus d'avoir accepté d'aller chercher cette jeune homme. Mais qu'est-ce qui pouvait bien lui passer par la tête ? Pourquoi fallait-il qu'il agisse toujours comme un crétin ? Cela faisait maintenant plus de deux semaines qu'Aëlys le baladait au quatre coins de la ville et lui, cet idiot, ne disait rien, il prenait le temps d'aller la chercher à chaque fois, de faire semblant de regarder dans le rétroviseur pour pouvoir l'observer, et il le faisait à chaque fois. Sur la route que le menait à l'université Zeppelin eu le temps de réfléchir quelque peu à cette situation, si il s’avérait que la jeune femme est quelque chose derrière la tête il fallait qu'il en sache plus sur elle, il fallait mettre des règles à ce jeu stupide qui était en train de lui pourrir les pensées.

« Tu vas avancer oui ou merde ?! » Zeppelin fut sorti de sa léthargie et enfonça lentement son pied sur l'accélérateur de la voiture, libérant ainsi le passage à d'autre usagers qui étaient en train de perdre patiente derrière lui. Le jeune homme s'excusa d'un mouvement de la main et repris la route vers l'université sans prendre le temps de faire attention à la signalisation. Il était près de quinze heures quand le jeune homme se gara dans l'entrée principale de l'immeuble, il descendit de la voiture et s'adossa à celle-ci, tirant une cigarette de son paquet qui traînait dans la boîte à gants. Il n'avait pas pour habitude de fumer, personne dans sa famille n'avait jamais commencé la cigarette, mais depuis son arrivé à Boston et le stresse de son boulot le jeune homme ne pouvait pas s'empêcher d'en prendre une de temps à autre, sans jamais devenir accro. Il eu le temps de la finir avant d’apercevoir la crinière blonde de la jeune femme, d'un mouvement de pied il éteignit le mégot et ouvrit la porte à la volée. Des idées se succédaient dans sa tête, il était grand temps de mettre les choses au clair.

« you’re in my veins, and I cannot get you out »

Une autre de ces journées merdiques qui vous pourrie la vie et qui vous donne envie de tout laisser tomber. J’avais passé la journée entière à courir partout à la recherche de mon superviseur de stage, superviseur qui après m’avoir laissé poiroté un bon deux heures dans la salle d’attente, avait fini par annuler notre rendez-vous, prétextant une grippe musculaire. Réprimant un cri de rage intense, je ne pu m’empêcher de donner un coup de frustration dans la poubelle avant de quitter son bureau. La secrétaire, une jeune femme un peu trop gourmande, me regardait d’un air outré, du chocolat plein le visage. C’est ça, continue de me dévisager et je te plante mon poing en pleine figure. Je n’étais aucunement d’humeur et j’avais décidé de laisser tomber mon dernier cours de la journée afin d’aller me changer un temps soit peu les idées. D’une main habile, je sortis mon cellulaire et pitonna rapidement le numéro de mon chauffeur de taxi personnel. Monsieur Gâal-Henry comme je me plaisais à l’appeler. Ou simplement Zeppelin. Allez savoir pourquoi et comment je m’étais retrouvée dans cette situation plutôt incongrue, mais chaque fois que je sortais, c’était son numéro de taxi que je contactais. Je ne faisais plus affaire avec d’autres chauffeurs et même lorsqu’il n’était pas disponible, je préférais attendre que de prendre un autre chauffeur. Cependant, j’aimais bien sa compagnie et il faisait parti des rares personnes qui m’intriguaient sur cette terre. En entrant dans son taxi quelques semaines plus tôt, j’avais découvert un homme rongé par une profonde tristesse et il m’avait donné envi d’apprendre à le connaître, et de savoir pourquoi la vie avait fait en sorte qu’il en devienne si amère. Moi qui n’avais pas eu la vie facile, je savais pertinemment ce que les épreuves d’une vie peuvent vous faire. Malgré tout, j’avais le sentiment que les plus belles choses étaient à venir. C’était donc avec optimiste que j’entrevoyais l’avenir. En fait, Zeppelin me faisait penser à moi, à l’époque où mon monde venait de s’écrouler. C’est pourquoi je m’obstinais temps à essayer de casser sa carapace, bien que pour l’instant, je ne m’y prenais pas nécessairement de la façon la plus délicate.

Assise sur un banc à la sortie de l’Université, j’attendais tranquillement tout en lisant un bouquin d’un de mes cours de journalisme. Si j’étais maintenant à Boston, c’était principalement parce que j’avais dégoté un stage dans une agence de journalisme. J’avais sauté de joie en apprenant la nouvelle. Non seulement parce que c’était un de mes plus grands rêves de pouvoir vivre de ma passion, mais aussi parce que Paris faisait parti de mon ancienne vie et qu’il était plus que temps pour moi d’avoir un nouveau départ. J’avais donc rapidement quitté mon passé pour tenter de reconstruire quelque chose. Ce n’était pas facile tous les jours mais je m’accrochais comme je le pouvais. Tournant la page de mon livre, je levai les yeux en l’air afin d’inspecter les horizons. Au loin, j’entrevoyais le taxi qui s’amenait tranquillement. Restant tout de même assise sur mon banc, j’attendis qu’il se stationne et que Zeppelin fume sa énième cigarette de la journée avant de m’avancer.

« La cigarette va avoir ta peau un jour. »

Ouais. Pour la gentillesse, on repassera. L’odeur de cigarette m’avait toujours pué au nez et franchement, si au moins il pouvait éviter d’enfiler un paquet par jour, cela sentirait probablement moins dans son taxi. Mais bon, je crois que son but de toute façon n’était pas réellement de vivre en ce moment, mais plutôt de survivre. Donc, on fait comme on peut j’imagine. Mais après tout, je n’étais pas sa mère et il était assez grand pour prendre ses propres décisions. Embarquant dans le taxi, je ne pu m’empêcher de l’observer alors qu’il embarquait à son tour. Beau, certes ça il l’était assurément. Malgré tout, c’était comme si je pouvais voir, même en le connaissant peu, ce qu’il me laissait transparaître de sa personne, de ce qu’il était réellement. Et je vous jure que malgré tous les efforts que je pourrais faire pour tenter d’oublier ce type qui après tout, n’était que mon chauffeur de taxi, je n’en serai aucunement capable. Non seulement il m’intriguait, mais il me fascinait. Sa façon de se tenir, sa moue parfois boudeuse, d’autre fois rêveuse, tout son être entier me charmait.

Il avait toujours eu cette impression instable que le monde tournait sans lui, que les autres personnes avaient le droit à un avenir et que lui devait se contenter de les regarder, comme derrière l'écran d'une télévision. Zeppelin n'avait pas conscience de faire parti de ce monde, il ne savait rien des rouages de l'amour, de l'amitié sincère, des grandes joies qui peuplent les êtres humains. Depuis l'âge de sept ans le jeune homme avait développé une incroyable intolérance aux émotions, sans doute un traumatisme encore non identifié, mais quoi qu'il en soit il n'avait jamais pu livrer ses sentiments à quiconque, même son frère n'a jamais appris à apprivoiser Zeppelin. Mais cette rotation du monde avait changée récemment, en fait elle avait changée quand Aëlys était montée dans sa voiture la première fois. Loin de lui l'idée d'être déjà attiré de la jeune femme il ne pouvait cependant pas nier la beauté de cette dernière, sans doute parce qu'il passait plus de temps à la regarder dans le rétroviseur plutôt que de faire attention à la route.

Zeppelin avait lui aussi changé, et ses minces amis en avaient fait les frais à chaque rencontres avec lui, il était devenu presque souriant, blagueur, se livrant quelque fois à de minces rires. Comment avait-il pu changer en si peu de temps ? Était-ce cette avec la jeune blonde qui lui avait ouvert le yeux ? Cependant le Zeppelin maussade et cynique n'avait toujours pas quitté le devant de la scène, il suffisait de voir la tête de ce-dernier quand il attendit Aëlys à la sortie de l'université. Tirant sur sa cigarette comme si c'était la dernière d'un condamné à mort Zeppelin n'eu pas le temps de hausser les sourcils qu'elle lui balança un commentaire comme à son habitude.


« Je préfère que se soit la cigarette plutôt qu'autre chose, qui est ma peau. »


Le jeune homme lui offrit un sourire sarcastique appuyant ses paroles, il ouvrit la porte passager à la volée et se baissa dans une courbette ridicule afin d'inciter la jeune femme à montée à l'arrière. Une fois cette dernière assise Zeppelin contourna le véhicule afin de prendre sa propre place, une fois dans la voiture il alluma le compteur et le descendit au tarif le plus réduit. Cette faute il l'avait commise plusieurs fois depuis sa rencontre avec Aëlys, pourquoi ? C'est une question qu'il se posait encore lui même, sans doute parce qu'avec tous les trajets de la jeune femme elle allait finir par se ruiner, et Zeppelin avait beaucoup de mal à se dire qu'il détruisait le portefeuille de la blonde.


« Avec tout l'argent que tu dépenses en taxi, tu pourrais peut-être voir pour une voiture non ? »


Le jeune homme leva un regard dans le rétroviseur et appuya sa phrase d'un sourire en coin, bien que cette dernière est pu sembler quelque peu cassante elle consistait en fait à un moyen de détendre l'atmosphère, une sorte de brise glace qui fonctionnait très bien entre le deux jeunes gens. D'habitude c'était elle qui usait de sarcasme pour lui répondre, il était bon quelque fois d'inverser les rôles pour rendre le jeu plus amusant.


« Où vas t-on cette fois-ci ? »


Zeppelin se courba afin de pouvoir porter un regard sur la jeune femme, cette rencontre entre ses yeux et les siens fut pour lui une épreuve à supporter, car la beauté d'Aëlys l'avait frappé dès son premier passage à l'arrière du taxi. Cette journée n'allait définitivement pas être des plus reposante émotionnellement.