i'll be there for you when the rain starts to pour

Je me souviendrais toujours de cette journée, le jour où tout a changé. Le jour où tout a basculé et après lequel Len a cessé d'être complètement lui-même et n'est devenu que son ombre. Cet accident est ce qui a tout déclenché en lui, il n'était plus exactement le même après. Les jours suivants, le compte à rebours était déjà enclenché et il ne s'agissait que d'une question de temps avant que notre relation explose, chose dont je n'avais pas encore conscience.
Je me souviendrais toujours des sensations intenses que j'ai éprouvées en entendant la voix du médecin qui m'annonçait que mon mari, mon Len, se trouvait à l'hôpital et que je devais m'y rendre le plus rapidement possible. Ma première réaction fut le déni, je refusais de croire ce que l'on venait de me dire. Je refusais d'entendre la suite et laissait donc retomber mon téléphone portable à mes pieds, sans y faire totalement attention.
À mes yeux, tout ceci était tout bonnement impossible. Cela devait être une erreur ou bien une mauvaise, une très mauvaise blague. Une plaisanterie de très mauvais goût. Morbide. Rien ne pouvait venir se mettre en travers, rien ne pouvait venir détruire ce bonheur idyllique dans lequel je vivais. Mon petit monde parfait ne pouvait pas s'écrouler de cette manière, si rapidement. Il ne pouvait pas partir, pas maintenant, pas tout de suite. C'était trop tôt. Je fermais alors les yeux et secouais vivement la tête en signe de refus, comme pour me faire croire que tout ceci n'était que le fruit de mon imagination débordante et qu'a la seconde où je soulèverais de nouveau mes paupières, tout reviendrait à la normale. C'est vrai, j'avais toujours eu une imagination débordante et j'avais aussi toujours eu tendance à faire des rêves plutôt étranges et énigmatiques. Peut-être que mon subconscient se plaisait à me jouer des tours aussi cruels. Peut-être que, en ce moment, j'étais encore dans les bras de Morphée, plongée dans un sommeil profond.
Environ une dizaine de secondes plus tard, - temps durant lequel j'avais essayé de remettre mes idées en place et que je m'efforçais de penser correctement - j'ouvrais les yeux. Il ne s'agissait pas d'un rêve, c'était la réalité. Une constatation qui me fit froid dans le dos. Des frissons me parcoururent le corps presque instantanément et mon cœur se mit à battre à une vitesse incontrôlée, bien au-dessus de la normale. Ni une, ni deux, je me ruais en direction de l'hôpital, les yeux déjà embués de larmes. Sur le chemin, une foule de scénarios catastrophe s'enchainaient dans ma tête. Je ne pouvais pas vivre sans lui, c'était une évidence. La vie sans lui près de moi n'avait plus aucun sens. Avec lui, tout me paraissait si simple et il avait le don pour me faire oublier le moindre de mes soucis. Il suffisait d'un seul de ses baisers et tout s'arrangeait comme par magie, au moins durant quelques instants. Et généralement, dans les situations de crise comme celle-ci, c'était lui qui était chargé de me rassurer.
En moins de quelques minutes, j'étais déjà au volant de ma voiture. Je prenais une profonde inspiration et tentait de reprendre le total contrôle de moi-même. Je dramatisais certainement, du moins c'était ce que j'espérais. Tout ce qu'ils avaient dit, c'était qu'il se trouvait dans un état critique. Cela voulait dire qu'il avait encore des chances - aussi faibles soit-elles - de s'en sortir, non ? Cette pensée ne me rassura que partiellement et ne m'empêcha pas de démarrer comme une furie, au risque d'écraser les nombreux passants qui se dressaient sur mon chemin.

Une larme se mit à couler tout doucement le long de ma joue, puis une autre. Puis sans que je ne m'en rende compte, ce fut un torrent de larmes qui se mit à se déverser sur mon visage. Une boule s'était formée au sein de mon ventre, j'avais peur. J'étais effrayée et je me sentais impuissante face à tout ce qui était en train de se dérouler. Il n'y avait rien que je puisse faire à part attendre. Plus les secondes s'écoulaient et plus ma peur de le perdre se renforçait, s'intensifiait. Une attente qui me semblait interminable. J'étais là, allongée à ses côtés sur le lit d'hôpital, l'une de mes mains dans la sienne, et il n'y avait rien, absolument rien à faire hormis attendre et espérer. Telle une petite fille totalement dépassée par les évènements, je continuais de sangloter, le corps secoué de temps à autres par quelques spasmes. Et soudain, une voix brisa le silence environnant à l'instant où je commençais à perdre tout espoir. Sa voix. Je sursautais. D'un coup, toute la tension que j'avais accumulé au fil de ces dernières heures retomba comme un soufflé trop cuit. C'était une véritable libération.
J'aurais voulu sourire et même rire aux éclats tellement j'étais heureuse de l'entendre, exploser de joie comme je le faisais intérieurement. Mais au lieu de cela, je me contentais de passer une main délicate sur sa joue et des larmes se mirent à couler de plus belle. Des larmes qui ne semblaient pas vouloir s'arrêter. Des larmes de joie.

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Deux mains fermes se posent sur mon visage alors que je suis encore profondément et paisiblement endormie. Deux mains fermes qui, au fil des secondes, se resserrent un peu plus autour de mon cou. Je me réveille en sursaut, incapable de parler et effectuer le moindre mouvement pour me détacher de son emprise m'est impossible. Je suis bien trop frêle et vulnérable comparée lui, il m'a prise par surprise. Je suis sans défense.
Je sens que je manque d'air, je suffoque. J'ai les yeux exorbités de peur et je gigote dans tous les sens. Je deviens toute rouge à force de m'agiter de gauche à droite, mes joues commencent à me brûler. J'essaye de parler, dans l'espoir vain de le raisonner, mais les mots ne parviennent pas à sortir, à traverser mes lèvres. Je tâte un peu partout pour trouver un objet qui puisse l'arrêter mais je suis prise de spasmes si violents que tout ce que j'essaye de toucher tomber. J'envoie valser sans le vouloir le contenu de ma table basse. Je suis à présent morte de peur et peu importe la force avec laquelle j'essaye de me débattre, il a toujours le dessus sur moi. Le rouge laisse place au blanc, je commence à devenir pâle, aussi pâle que la mort. Si il ne desserre pas bientôt son emprise, je vais y laisser la vie, je le sens. Et soudain, alors que je suis sur le point d'abandonner, je perçois un changement dans son regard. Il a reprit conscience, il a reprit le contrôle sur lui-même. Son emprise se desserre, je suis enfin libre de mes mouvements. Le plus rapidement possible, je me lève et court hors de notre lit. Les larmes coulent toutes seules. Je me réfugie en courant dans la salle de bain, le plus vite possible et ferme la porte à clé une fois à l'intérieur. Je suis à l'abri. J'essaye de reprendre une respiration normale, mon cœur bat à une vitesse ahurissante. Je continue à sangloter et je me laisse glisser le long du mur froid de la salle de bain. Telle une enfant, je me recroqueville alors sur moi-même et enfouis ma tête dans mes genoux, incapable de cesser mes pleurs.