i want you so fuckin' bad.

Toute la journée. Soit de neuf heures à vingt-deux heures trente. Toute la journée, le voir, l'observer, le sentir, le désirer. Sans comprendre. Sans parvenir à dire quoi que ce soit d'autre que « file-moi le dossier de madame Jenkins », « j'ai besoin d'un autre stéthoscope » ou « tu veux un café ? ». Pitoyable. Wilfried évoluait dans une sorte de brouillard informe. Son corps, son esprit ne répondaient plus si ce n'est pour les gestes les plus basiques. Les patients avaient défilé sans qu'il ne s'en rende compte. Où étaient passées les secondes, les minutes, les heures ? Elles s'étaient perdues dans la contemplation secrète de Graham. Wilfried se rendait parfaitement compte de la situation. Il savait surtout qu'il ne maîtrisait plus rien. Graham envahissait sa vie, ses pensées, ses rêves même (et il avait honte de ce que son inconscient essayait de lui faire comprendre à travers, d'ailleurs). C'était quelque chose que Wilfried ne parvenait pas à comprendre, malgré tous ses efforts. Pourquoi ? Pourquoi lui, pourquoi ce besoin irrépressible de le voir, de l'avoir ? Il le désirait tellement que la douleur en devenait physique. Et pourtant, Wilfried luttait. Il luttait de toutes ses forces contre lui-même pour oublier son imagination fiévreuse, ses fantasmes qui tenaient plus de l'adolescent en pleine ébullition que du médecin de trente-deux ans et sa volonté innassouvie. Mais à chaque fois, inévitablement, il sombrait, il faiblissait. Le besoin de sa présence se révélait presque indispensable. Juste le voir, simplement le voir suffisait à adoucir un peu la douleur brûlante qui mordait son ventre.

Will se leva et quitta son bureau après s'être passé les mains sur le visage, comme si ça avait pu effacer les traces de la tension dont son visage était la première victime. Un café, il lui fallait un café. Seulement ensuite, il passerait voir Graham qui devait encore classer des dossiers, organiser les rendez-vous et s'occuper de tâches tout autant fastidieuses mais qui étaient d'une aide inestimable pour Wilfried, plutôt du genre distrait. Le jeune médecin se rendit donc dans la petite salle et se servit un café, précieux allié contre la fatigue. Tentant de se donner du courage, essayant de se persuader que son comportement était tout à fait normal et qu'il prenait simplement soin de son employé, il termina son Nespresso et retraversa la cabinet en sens inverse pour trouver Graham dans la salle d'attente, près de son bureau. Reste calme, il est ton employé, tu es son patron, il a sûrement autant envie de toi que d'une balayette, alors putain garde la tête froide, Will. « Dure journée, hein. » fit Will en esquissant un sourire, tandis qu'il se passait la main dans les cheveux. Il croisa le regard de son assistant et se fit violence pour ne pas rougir d'une quelconque façon. Prenant un ton dégagé, maîtrisant l'angoisse qui se diffusait peu à peu dans ses veines, il ajouta amicalement : « T'as toujours mal au dos, au fait ? » Véritable inquiétude ou (pitoyable et pathétique) tentative pour que Graham ôte à nouveau son tee-shirt ?

Il y a ces jours durant lesquels rien ne va. Pour Graham, ce mardi là était un de ces tristes jours. A cause de la fatigue, son dos le faisait atrocement souffrir et l'effervescence de la journée n'avait en rien arrangé les choses. De plus en plus ces temps-ci, les patients ne lui apparaissaient être que des visages sans noms, de purs inconnus qu'il ne prenait même plus la peine de connaître. C'était un de ces jours. Assis au bureau et tout en essayant de ranger les derniers dossiers, Graham ne pouvait s'empêcher de penser. Il pensait trop. Oui, lui qui avait tendance à agir sans réfléchir, pensait. Je ne sais pas si je vais pouvoir encore tenir longtemps. Et si je n'arrivait plus à me contrôler ? Et si un jour je lui saute au cou, ou que je lui claque les fesses... Que se passera t-il hein ? Que se - 'Dure journée, hein.' Graham sursauta légèrement. Il n'avait pas vu Wilfried arriver. Il leva la tête et posa les yeux sur l'objet de son désir. L'homme qu'il convoitait. Ces yeux étaient si profonds, et ses cheveux étaient si beaux. Son sourire était à craquer. Graham imaginait souvent leur premier baiser. Il en avait même rêvé. Ses lèvres douces, ses bras musclés et ses mains qui le caressaient. Mais ce n'était qu'un rêve, qu'un fantasme. Au fond de lui, et même s'il espérait très fort, Graham s'était fait une idée. Wilfried ne serait jamais rien de plus que son patron. Il n'aimait même pas les hommes ! Pourquoi avait il toujours besoin de désirer des hommes qu'il n'intéresserait jamais ?! Pourquoi ? En effet, c'était l'un de ces jours. Et rien n'allait. Habituellement, Graham aurait été ravi de discuter avec Wilfried, cela aurait été une autre opportunité de le séduire, de le faire craquer. Mais pas ce jour là. Il lui renvoya donc son sourire et hocha la tête, essayant de camoufler son désespoir passager.

' T'as toujours mal au dos, au fait ?' Graham s'éclaircit la voix avant de prendre la parole; 'Toujours oui. Je pense qu'il faut que je prenne rendez-vous chez le kiné.' Mais pourquoi tu lui racontes ta vie Graham ? Franchement ? Il a plus important à faire que t'entendre te lamenter sur ton sort. Chochotte ! 'Pas la peine !' s'écria Wilfried. Graham releva la tête à nouveau 'Enfin si… prend rendez-vous. Mais je peux toujours te masser en attendant si tu veux' Graham hésita un court instant mais ne refusa pas. Il se contenta d'hocher la tête et de se diriger vers la salle d'examen. Wilfried l'avait suivit et disposait du papier sur la table sur laquelle l'assistant s'allongerait. Graham lui, retira sa chemise sans pudeur et s'allongea à plat ventre sur la table qui était froide. Sur son bas-ventre se trouvait une cicatrice, mais bien qu'il l'ait déjà vue, Wilfried n'avait jamais posé de question, dieu merci. C'était bien la dernière chose dont il voulait parler. 'Attention ça va être froid' dit Wilfried. Graham sentit un liquide froid et visqueux couler dans son dos. Le gel chauffant. Des mains virent se poser sur son dos, elles le caressaient, appuyaient, faisaient de petits ronds. C'était vraiment agréable, et le gel se réchauffait enfin. Graham se laissa aller et se détendit peu à peu. Sa frustration, sa journée morose… tout semblait peu à peu s'effacer. Un sourire était même apparu sur son visage. Seigneur qu'il savait bien masser ! Oh oui. Graham aurait pu passer toute la soirée à se faire masser, c'était tellement bon… un peu trop bon même. Dans son pantalon, Graham pouvait sentir que le massage qu'on lui prodiguait ne le laissait pas indifférent. Et vous voyez très bien ce que je veux dire. Il commença à rougir et fut pris d'une bouffée de chaleur. La honte. Avec un peu de chance, Wilfried n'aurait rien remarqué. D'ailleurs, son massage s'intensifiait. 'Ouch' s'exclama Graham. Wilfried avait massé un peu trop fort ses trapèzes, et sous l'effet de la douleur, l'assistant médical n'avait pas pu retenir un petit cri. Il se redressa et remarqua que Wilfried avait l'air gêné. Graham resta assis sur la table. Peut être qu'étant donné sa "condition", il n'aurait pas du.