i'll be there for you when the rain starts to pour


you thought i was a rich little bastard. but i'm actually a child who's grown with money and no love.

Le petit garçon avait à peine six ans et, selon sa vision de la vie, et l’imagination débordante qui fleurissait dans son esprit, le vaste appartement Wentworth était une espèce d’énorme de château duquel il était à l’assaut. Pas de princesse, pas de roi ni de reine, mais seulement des couloirs à pertes de vue, des ombres qui dansaient sur les murs et dessinaient des formes abstraites, comme autant d’incarnation de monstres qu’il devait défier de la pointe de son épée en bois. Sa mère n’était jamais présente et n’assistait donc que très rarement aux jeux qu’il inventait ; elle préférait les soirées mondaines et les journées dans les boutiques à revoir une penderie déjà entièrement pleine de vêtements de marque. Le père Wentworth, lui, travaillait d’arrache-pied ; il possédait un cabinet d’architecture qu’il avait eu de ses propres parents et, depuis la naissance de son fils, il se voyait déjà l’en faire hériter. Le garçon avait donc été élevé par des nourrices, une nouvelle chaque année environ, parce qu’elles avaient toujours du mal à supporter les exigences de la famille. Celle-ci était pourtant l’une des préférées de l’enfant, parce qu’elle s’intéressait à ce qu’il faisait sans le forcer à lire et relire des livres qu’il ne comprenait pas. « Aaron ? » appela-t-elle en entrant dans la chambre du garçon. Ce dernier, allongé sur le parquet en bois massif, releva la tête en l’interrogeant de ses yeux clairs. Elle lui fit signe de la suivre et il se redressa. Qu’est-ce qu’il y a ? » Elle ne répondit pas à son interrogation, se contenta de lui tendre la paume qu’il attrapa avec sa petite main. Elle l’emmena au fond du couloir, ils descendirent les escaliers et, alors qu’il arrivait sur l’avant-dernière marche, il lâcha sa paume et sauta. « Je suis un pirate ! » hurla-t-il finalement lorsque ses pieds atterrirent sur le sol. La nourrice, qui d’ordinaire aurait certainement éclaté de rire face à un spectacle aussi hilarant, grimaça et s’avança en direction de la salle de séjour. « Tu ne crois pas que tu es un peu vieux pour parler de pirate et de bateau ? » C’était la voix de son père, qu’il reconnut immédiatement par le ton pressé et sérieux, peut-être même teinté de reproches. Le jeune garçon s’approcha doucement, un doute pernicieux rampant lentement dans son être. Il n’était pas habituel que son père rentre aussi tôt du travail et il y voyait, du haut de ses six ans, un présage de mauvais augure. La silhouette de monsieur Wentworth apparut finalement devant lui, imposante et sévère dans son costume noir. « ¨Il a six ans, monsieur, c’est de son â… » tenta la nurse, mais sans grande victoire puisque le père la coupa d’un geste furtif de la main, puis tournant la tête en direction de son fils, le vrillant d’un regard si peu amène que l’enfant se sentit paralyser sur place. « Il faut que tu arrêtes de faire l’enfant et que tu comprennes l’importance de notre réputation. Je ne mettrai pas l’empire Wentworth sur les épaules d’un gamin qui croit aux pirates. » lâcha-t-il, impitoyable. « Ne me fais pas honte, Aaron. »

come right over here babe, and listen to me. i'll explain you who i am and we'll end up in my bed.

« "Ne me fais pas honte, Aaron." C’est le titre de la bande originale de ma vie, je crois. Je l’ai entendu combien de fois ? Plus que je ne peux les compter. Plus que tous les zéros dans les comptes en banque de ma famille. Plus que je ne l’aurais aimé. Pendant mon enfance, c’est l’une des seules phrases que mon père ait bien voulu m’adresser. Oh, évidemment, il y avait aussi : "grandis, Aaron", et ma préférée "tu es vraiment une déception. " Du coup, oui, c’est un peu ce que je suis devenu. Une déception. A dix ans, je clamais partout haut et fort que je ne voulais pas être architecte et que reprendre l’affaire familiale n’était pas du tout dans mes projets. Quand on me demandait ce que je souhaitais faire, je restais évasif, et cela rendait mon père furieux. Puis, quand je suis entré au lycée, tout s’est accéléré et tout s’est très rapidement gâté. New-York City est une ville pleine de tentations et pour les jeunes hommes comme moi, en manque d’attentions et les poches emplies de billets verts, elle est aussi celle de tous les excès. Je n’ai franchement jamais dépassé les limites de la légalité, j’ai simplement préféré défier les règles du lycée privé où j’étais inscrit, ainsi que celles établies par mon père. Cela va vous sembler affreux, parce que vous me voyez comme ce gosse de riche pourri et gâté par la vie, qui se rebelle parce qu’il s’ennuie. Peut-être que c’est le cas, ou alors c’est tout simplement que j’aurais préféré autre chose que l’argent. Quelque chose de plus stable ; ça paraît stupide, de chercher la stabilité ailleurs que dans sa propre famille, mais c’est ainsi que cela se passe chez les Wentworth. C’est en séchant les cours et en répondant à mes professeurs avec une arrogance qu’ils n’appréciaient pas que je me suis fait renvoyer du lycée quand j’avais dix-sept ans. Ce fut la goutte de trop, je crois. Ma mère s’est soudainement sentie inspirée de la mission du rôle de maman ; paniquée, elle a demandé de l’aide à sa sœur qui vivait à Boston, tante Mary que j’adorais parce qu’elle était artiste peintre et qu’elle était à l’opposé de ma mère. C’est elle qui a eu l’idée, cette géniale idée que je parte de New-York, qu’on m’éloigne de l’île aux excès pour que je reprenne le contrôle de ma vie. Deux semaines après mon renvoi du lycée, je faisais ma rentrée dans un lycée public dans l’ouest de Boston. »

high school is like a little society with bullies and geeks. and i don't really know where my place was.

« Aaron ? C'est la dernière fois que je t'appelle. » Mouvement sous la couette. La tête blonde se redressa lentement, laissant échapper un râle de mécontentement d'entre ses lèvres, émergeant d'une nuit trop courte et agitée. Cela faisait une semaine qu'il avait quitté le bel appartement familial dans l'upper east side à New-York pour ce vieux loft spacieux au beau milieu du quartier historique de Boston. C'était calme, trop calme, et il avait beaucoup de mal à trouver le sommeil. Sa tante lui avait assuré que le changement d'air lui serait bénéfique, mais il ne voyait encore aucun progrès. Pire, tout allait devenir encore plus insupportable puisqu'il se rendait aujourd'hui à son premier jour de lycée. Avec toute la superbe qui lui était caractéristique, il émit un grognement sonore lorsque trois coups rapides furent frappés à sa porte et s'emmitoufla dans ses draps. « Dégage, tante Mary. » lâcha-t-il d'une voix encore enrouée par le sommeil. Ce dut être ce qui mit fin à la patience de cette très chère tante. Elle était calme, d'ordinaire, d'une sérénité à toute épreuve. Il l'avait pourtant provoquée à de maintes reprises, insultant les tableaux qu'elle peignait. Pourtant, elle était talentueuse et il le reconnaissait, mais refusait tout simplement de l'admettre devant elle. Aussi, il critiquait l'appartement qu'il jugeait trop kitsch, la décoration avant-gardiste qu'il prétendait de très mauvais goût, sans oublier les plats qu'elle lui cuisinait et qu'il refusait de toucher sous prétexte qu'il préférait manger au restaurant. L'insulte fut donc la goutte d'eau ; la jeune femme s'impatienta, frappa à nouveau et, se trouvant face à un mur de silence, ouvrit la porte en s'approchant rapidement du lit du garçon. Elle arracha la couette d'un geste brusque. Il l'entendit à peine vociférer des ordres, lui qui tentait désespérément de se rendormir. « ... pas question que tu sèches les cours à Boston ! J'ai fait des pieds et des mains pour te faire entrer et... » Elle pressait le pas, tournoyant dans la chambre à vive allure, soulevant les persiennes. Les rayons du soleil s'infiltrèrent dans la pièce, finissant de réveiller la tête blonde aux traits embrumés. Il s'assit sur son lit, tira sur les couvertures afin de couvrir son torse nue et haussa les épaules en un geste des plus nonchalants. « Je crois pas t'avoir demandé de me faire entrer au lycée. Ni même de m'accueillir d'ailleurs. Vous avez pris cette décision sans moi. » contra-t-il avec la même lassitude dans tous ses gestes. Elle s'immobilisa, le vrillant de ses prunelles incandescentes sous la colère qui l'avait habitée durant de courtes secondes. « On a fait ce qu'on a jugé être le mieux pour toi. Habille-toi. » conclut-elle en lui adressant un regard entendu et elle s'éclipsa par la porte, la refermant même derrière elle - probablement pour lui laisser un peu d'intimité (ironie du sort). Alors, il se relaissa tomber sur le matelas spongieux, s'abîmant dans la contemplation du plafond. « Plutôt ce qu'il y a de mieux pour eux : enfin débarrassé du fils indigne. »

it's like a letter for you. from me, for you aunt mary.

« C'est toi qu'ils ont eu, n'est-ce pas tante Mary ? Ils se sont débarrassés de moi et c'est toi qui m'a récupéré. Ça a été très compliqué, n'est-ce pas ? J'ai conscience d'avoir été difficile ; impossible même. On ne pouvait pas me canaliser, on ne pouvait pas me calmer. J'étais comme un animal libre qu'on venait d'attraper et de mettre en cage. J'étais un fauve qui tournait en rond, à la recherche d'un je ne sais quoi que je n'ai trouvé que bien plus tard. Tu vas rire, et tu vas dire que tu le sais, mais c'est toi qui m'as donné ce dont j'ai eu le plus besoin. Oui, toi. La fille malaimée, celle qui a compris tous mes maux sans que je n'aie eu besoin de les nommer. Ma mère m'a toujours dit que tu étais l'enfant rebelle, celle dont les rêves et les espoirs ont été bâclés par vos parents, et je crois que c'est exactement pour cette raison qu'elle m'a fait emménager chez toi. Nous sommes les deux causes perdues, nous sommes la honte et la risée. Pourtant, savent-ils ? Penses-tu qu'ils savent que nous sommes mieux sans eux, sans la pression ? Savent-ils que je suis mieux libre ? Boston a été ma libération, comme elle a été la tienne, tante Mary. Au lycée, je n'ai pas du tout appris ce que c'était que d'être apprécié pour son humour ou pour ce que l'on est vraiment, mais j'ai au moins eu le mérite d'être apprécié et entouré. D'être envié, même parfois. Comme tu le sais, venir de NYC et avoir un père qui dessine les plus beaux buildings du pays, ça aide à l'intégration. Je me suis calmé, du moins dans l'aspect rebelle de ma personnalité. Je suis toujours le même Aaron, et tu le sais. Je ne changerais jamais. Tu m'as souvent dit que j'étais un gros vantard ambitieux, et c'est certainement vrai. Du moins, c'est ce qu'ils pensent tous, et j'assume. Je sais ce que je vaux. C'est ainsi que je me suis intéressé à ta vie, je t'ai questionné sur ton boulot, sur ta passion, et tu me l'as passée. J'aime tes peintures, j'aime l'art en général. A la fin du lycée, c'est normal que je me sois dirigé vers des études en histoire de l'art. Et puis, il y a eu tout le reste. Il y a eu mon déménagement dans mon propre appartement, il y a eu Leïa, Ephiphanie, Swann et Luke et Noah, il y a eu Lena et Jude. Tous ce groupe d'idiots qui me suivraient partout, et que je suivrais jusqu'au bout du monde juste parce qu'ils lèvent les yeux au ciel quand je dis que je suis le plus beau, même si je suis certain qu'ils sont tous d'accord avec moi. Oui, il y a Lena surtout... Cette jolie fille blonde qui vit à un étage au-dessous de moi, qui me met la tête à l'envers, mais qui refuse d'admettre que je lui fais au moins autant d'effet. Mais c'est une autre histoire, tante Mary. Et on a tout le temps. »

love is not beautiful. love is freaking complicated and i kinda hate it.

Pourquoi avait-il accepté ce jeu dangereux ? Il était impossible ne pas se brûler les ailes lorsque l'on s'approchait du soleil, et elle était son soleil. Sa crinière blonde ondoyait mollement au rythme de sa démarche, elle riait aux éclats, certainement parce que ce que Swann venait de lui dire était drôle à en mourir. Bon sang, que lui avait-il pris d'accepter d'être à cette fête stupide ? Il avait une parfaite conscience que la blondintte ferait acte de sa présence, et il s'était promis de l'éviter depuis qu'ils s'étaient expliqués et avaient conclu que rien ne les unirait. Non pas qu'il ait une absolue envie de l'éviter ; au contraire, personne n'éprouvait un plus grand besoin d'être proche d'elle que lui. Néanmoins, être ainsi trop près d'elle le rendait complètement fou ; la voir rire et évoluer auprès de ses amis comme si rien ne s'était déroulé le mettait dans tous ses états. « Pas en forme, Wentworth ? » lança une voix à ses oreilles. L'interpelé détourna ses iris de la beauté qu'il contemplait et se tourna en direction de son interlocuteur. C'était un habitant de l'immeuble qu'il connaissait plutôt bien ; un ami qui partageait sa même vision des relations amoureuses. « Elle va se rendre compte que tu la regardes et tu seras fichu. » reprit-il avec un sourire qui donna au jeune Aaron l'envie de lui mettre un coup derrière les oreilles. S'en empêchant parce qu'il savait que cela n'était pas des plus polis, il attrapa un verre en plastique empli de bière qui trainait sur la table et l'avala d'une traite. Puis, il le reposa à sa place initiale, un sourire tout à fait innocent sur le visage en haussant les épaules. « Je ne vois pas de quoi tu parles, je ne fais que du repérage. Il y a la petite rousse qui me fait de l'oeil là-bas... » se justifia-t-il en pointant du doigt une direction qu'il choisit au hasard. L'autre jeune homme ne fut néanmoins pas dupe, aperçut probablement le regard jeté en direction de Lena. Il se retourna vers Aaron avec un regard bourré de sous-entendu et hocha la tête de droite à gauche en signe de désapprobation. Certes, il avait raison. C'en devenait pathétique ; Lena avait été claire. Elle couchait à tout va avec Swann mais se refusait complètement à Aaron ; ce dernier aurait dû comprendre depuis belle lurette qu'elle n'était pas un énième défi mais bel et bien une voie sans issue. Alors pourquoi ce pincement au cœur ? Pourquoi ce torrent de sentiments douloureux ? Pourquoi, encore, cette chape de plomb qui venait de prendre son esprit en otage ? Il préféra fuir. Fuir ses pensées, mais également l'appartement où la fête battait son plein. Non sans faire de bruit, cependant. Passant devant Lena, il s'arrêta à sa hauteur et se pencha dans sa direction. « Bien entourée ? Je prévois de faire la même chose ; beaucoup de filles semblent avoir conscience que je ne suis pas n'importe qui. Dommage pour toi. » souffla-t-il, impertinent. Et, déjà, il s'éloignait de la blonde qui faisait redoubler d'intensité les battements de son cœur pour s'approcher d'une brune près de la porte.