« Non, non, non ! Jaeden qu’est-ce qu’il t’arrive aujourd’hui ? » Je passais mes mains sur mon visage en soufflant. « Il m’arrive que je travaille pour payer mon loyer parce que même si on est géniaux, on ne gagne pas assez d’argent pour se considérer comme riches, donc je suis épuisé. » Je déposais ma guitare avant de bailler à m’en arracher la mâchoire. « Epuisé au point de ne plus savoir jouer nos chansons ? » Je regardais mon meilleur ami –et accessoirement un mec du groupe- comme s’il était un abruti. Je viens de lui dire que je suis fatigué, qu’est-ce qu’il ne comprend pas là-dedans ? « Je suis épuisé au point de me souvenir des notes, mais mes doigts sont trop longs à la détente. J’suis fatigué, quoi ! On va faire une dissert’ là-dessus ? » Les mecs se mirent à rire comme si j’avais dit quelque chose de drôle –ce qui n’était pas le cas. Peut-être que mon état de fatigue ne me permettait pas de comprendre ce qui se passait. Quoiqu’il en soit, s’ils voulaient que je reste à la répet’, ils ne devaient pas s’attendre à ce que j’assure. « Jaeden, rentre. Va dormir, je ne sais pas, repose-toi. Tu ne nous sers à rien, là, en fait. » Merci, les mecs, merci. Franchement, ce n’est pas beau l’amitié ?

Pendant que nous parlions, j’avais déposé ma guitare électrique, mais je devais rentrer à l’appartement avec ma guitare acoustique. Je l’ai donc mise dans la pochette faîtes pour ça. Je fis un rapide et simple au revoir à mes amis avant de quitter la salle de repet’. Je marchais doucement mais sûrement. J’étais fatigué, mais pas pressé. Même si je n’arrivais pas à suivre le rythme d’une de nos chansons, je n’allais certainement pas dormir. J’allais me poser devant la télé ou même essayer de ranger un peu le bordel de Nataël pendant qu’il n’est pas là. Okay, j’avoue, j’allais me poser devant la télé.

Arrivé au niveau de l’immeuble, je vis une jeune femme avec pleins de sacs en train de batailler avec la porte pour rentrer –sûrement chez elle. Comme le gentleman que je suis, j’accélérais mon pas pour l’aider. Je lui tins la porte et j’entendis un « Oh, merci. » qui me fit sourire. Elle a un accent hispanique, si je ne me trompe pas. Ayant été élevé à Madrid, en Espagne, je suis assez qualifié pour reconnaître cet accent. J’attendis qu’elle entre pour engager la conversation. De dos, je ne la reconnaissais pas donc je me suis dit qu’elle devait être nouvelle dans l’immeuble. Et si, effectivement, elle habitait ici, je devrais certainement être amené à la revoir, alors autant faire connaissance dès maintenant, non ? « Vous êtes nouvelle, ici, n’est-ce pas ? »

Ma nouvelle voisine brune déposa ses sacs sur le sol et elle se retourna et là, le choc. Putain, je suis tellement fatigué que j’ai des hallucinations ou quoi ? Je cligne des yeux plusieurs fois et rapidement, comme dans les films, mais non, je ne rêve. « Barcelona Calderòn-Barras ? Qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu fais là ? » J’étais choqué, interloqué, pommé et tous les autres adjectifs qui pourraient vouloir dire la même chose. Je ne m’attendais pas à la voir là, et elle ne m’avait rien dit ! Bon, je sais que nous nous parlions que très rarement, mais quand même. N’empêche, elle n’a pas changé d’un poil. Enfin si, elle a grandi et tout, mais elle a la même tête. La preuve, je l’ai reconnue directement.