1. You may say that I'm a dreamer.

New-York City, l’appartement des Baxter.
La matinée chez les Baxter semblaient bien agitée. En effet, Finnley Baxter se précipitait dans les escaliers avec ses sacs de voyage à la main. Le petit garçon de la maison âgé de huit ans regardait avec beaucoup de curiosité l’homme de la maison depuis le canapé où il était assis. La mère de Léo était en bas de l’escalier à attendre avec une certaine impatience et nervosité son mari. Arrivée à hauteur de sa ravissante jeune femme, Finnley s’arrêta pour l’embrasser. Vint ensuite le tour du petit garçonnet, en effet ses parents l’avaient appelé pour saluer son père une dernière fois. A côté de son père, il le regarda avec des yeux remplis de curiosité et lança naïvement : « papa, tu pars où ? ». Un sourire amusé et gêné se dessina sur les lèvres des deux adultes. « Je vais revenir fiston, ne t’en fais pas ! ». Une tape derrière la tête, puis il le prit dans le bras et le serra fort. Après un câlin de plusieurs minutes, Finn reposa Léo par terre. Alors voilà, maintenant, ils allaient se quitter et se retrouver seuls, Léo et sa maman dans le grand appartement. Une fois que le père Baxter eut passé le seuil de la porte, la jeune mère lui lança un « prends soin de toi, chéri ! ». Il se contenta de lui répondre par un clin d’œil. Un simple clin d’œil qui voulait tant dire.
« Papa est parti en mission, il va revenir ! Ne t’en fais pas pour cela, Léo. » dit-elle en tentant de rassurer le petit garçon. Mais aussi se rassurer elle-même. « En mission ? Je veux y aller moi aussi, maman. Je veux y aller en mission ! ». Suivre les pas de son père, voilà son plus grand rêve. Finnley Baxter, trente-deux ans, médecin. Il s’était engagé depuis plusieurs dans des missions humanitaires, le faisant ainsi voyager aux quatre coins qui globe, devant alors laisser derrière lui femme et enfant. Ce n’était pas toujours avec joie qu’il les laissait seuls pendant plusieurs longues semaines, il fallait l’admettre. Néanmoins, le petit Léo voyait son père comme un héro. Comme celui qui sauvait les personnes les plus malheureuses, qui guérissait toutes les maladies possibles et inimaginables et qui rependait derrière lui le bonheur. Oui, c’était une vision bien naïve, mais Léo n’avait que huit ans et les choses étaient comme cela pour lui. Il les voyait avec le regard d’un enfant de son âge, il les voyait avec ses yeux. Il était fier de son père, très fier même. C’était sûrement pour ses raisons là qu’il espérait lui aussi devenir comme lui. Devenir un héro à sa manière. La voix de madame Baxter retentit dans l’appartement : « Quand tu seras plus grand, Léo. Quand tu seras plus grand… ». Quand il sera plus grand oui. Quand il sera plus grand il pourra concrétiser son rêve s’il veut, il le pourra. Léo regarda sa mère avec un grand sourire puis partit alors dans sa chambre en courant.

Léo referma derrière lui la porte de sa chambre en prenant garde qu’elle était bien refermée. Une fois cette vérification minutieuse, le petit garçon accourut vers sa maquette. Maquette qu’il avait fait avec son père, une maquette d’un village africain avec ces petites maisonnettes, et ses grandes tentes et tout ce qui allait avec. Il se munit alors d’une des figurines et commença son long récit. L’imagination des enfants, l’imagination de Léo. C’était ici dans sa chambre, avec sa maquette, qu’il passa des heures enfermé. Enfermé à s’imaginer des histoires, à s’imaginer comment la vie pouvait se passer là-bas. C’est vrai sûrement qu’il idéalisait les faits, c’était même certain. « Oh bonjour mon ptit ! » dit le petit Léo en mettant en action les différentes figurines. « Oh, mais c’est la varicelle que tu as là ! Nous allons soigner ça tout de suite. Ce n’est rien de grave ! ». Et c’était comme ça pendant des heures, des heures, il s’imaginait des histoires tel un petit scénariste, tel un romancier. A vrai dire, c’était ainsi qu’il s’imaginait comment la vie se passait dans les missions de son père, il pensait que ça se passait ainsi à tous les coups. Oui, pour lui, c’était si simple.

2. xxx

Grandir. Grandir avec ce même rêve naïf en tête. Début septembre, ça sonnait étrangement la rentrée des classes. Le réveil fut douloureux pour le jeune homme. Douloureux et agité. Un réveil marqué par un : « Oh merde ! La rentrée… ». La précipation et l’angoisse vinrent alors s’inviter chez Léo. Sans prendre conscience de ce qu’il était entrain de faire, Léo prit les premiers habits qui lui tombaient sous la main. Pour tout vous dire, l’adéquation des vêtements n’allait sûrement pas être réussie. Avait-il alors oublié l’objet précis de son réveil précipité ? Peut-être bien. Une fois habillé, le jeune homme passa en coup de vent dans la cuisine histoire de prendre quelque chose. Son passage fut rapide, en effet. Telle une furtive éclaire, un allé, un retour et le voilà parti prendre la direction de la porte de sortie. Sans même prendre le temps de se coiffer un peu. Soucis d’esthétisme qui ne semblait pas le déranger, bien au contraire. Des habits pris au hasard dans une penderie, des cheveux ébouriffés… Après tout ce n’était que la rentrée scolaire. Léo, quatorze ans, petit lycéen qui allait entrer en seconde. « Bien Léo ! Oublierais-tu de nous dire quelque chose ? ». L’air interrogateur, Léo resta statufié sur place. Quelques secondes de réflexion histoire de remettre ses idées au clair. Un froncement de sourcils puis : « Eh ouais ! Salut ‘pa, ‘man ! Je dois y aller, je vais être en retard, je crois… ». Sans même prendre le temps de respirer, il partit vers la sortie, prenant son sac bandoulière au passage.

Au bout de la rue, Ana. La jeune fille semblait l’attendre avec impatience, regardant à plusieurs moments sa montre. Quant à Léo, ce dernier accourut vers elle. « Qu’est-ce que tu fous, Léo ? … ». Sans même lui laisser le temps de terminer sa phrase, il l’attrapa par la main dans sa petite course. « Chut ! Je sais Ana ! Je suis en retard, trèès en retard même ! » dit-il avec difficulté pendant qu’il courait. « Ne trainons pas ! Allez viens. ». Les deux jeunes gens coururent alors main dans la main jusqu’à leur nouvel établissement : le lycée. Certes, nouvel environnement, mais les têtes n’allaient pas vraiment changer. Ils allèrent en connaitre quelques unes.
Arrivés au pied du grand portail, Ana et Léo stoppèrent leur petite course et reprirent leur respiration. « Finalement, on n’est pas arrivés si on retard que ça ! » lança légèrement amusé le jeune homme. Sa phrase fut ponctuée par un petit rire qui fut accompagné par celui de la jolie petite blonde. Cette dernière souffla fortement avant de pousser légèrement le jeune Baxter. Tout était affectif entre eux. Légèrement déséquilibré, sa bouche lâcha un petit « hey mais ! » avant de prendre dans ses bras Ana. La scène n’était pas anodine entre les deux. Ils se connaissaient depuis qu’ils étaient enfants, à vrai dire ils ont grandi ensemble. Un lien si fort les soudait, tellement fort. Tellement fort que… « Regardez donc qui viennent d’arriver ? ». La voix était presque sarcastique. Un rictus sournois se dessina sur le visage du jeune homme lorsqu’il aperçut les deux jeunes gens, Ana et Léo. Ils marchèrent l’un à côté de l’autre, sans trop se soucier des réflexions qui pouvaient fusèrent à certains moments. Léo regarda la petite blonde, un sourit au bout des lèvres. C’est alors qu’il déposa sa main sur l’épaule d’Ana, la serrant légèrement contre lui. Les pas les guidèrent jusqu’aux affichettes qui indiquèrent les compositions des différentes classes. Chacun à leur tour, ils scrutèrent les feuilles, et lisèrent avec beaucoup d’attention chacune d’entre elles avec le même espoir : voir leurs deux noms d’afficher dans la même classe. « Hum, on sera pas ensemble. ». « Hum, ouais… » s’exclama Léo qui avait alors enfin trouvé son nom et prénom d’indiqué.

3. I'm stronger than yesterday

Boston, une jolie matinée d’automne. Les bras chargés, il arriva enfin jusqu’à destination. Destination, je veux dire son appartement. Une valise, puis quelques sacs à dos avec lui. On pouvait le dire : Léo n’était pas revenu ici depuis un bon moment. Alors qu’il était sur le point d’ouvrir sa porte pour la première depuis… des semaines, une jeune femme vint l’aborder. « Oh, Léo ! Tu es rentré ! Bon voyage ? ». La voix était enjouée, presque ravie de le revoir. Léo, notre jeune homme, tourna légèrement la tête en sa direction. Un sourire pour être poli et il lui répondit calmement par un « très bon voyage, oui. ». Elle n’était pas bien plus âgée que lui, je parle de sa voisine bien entendu. Puis, la conversation allait de bon train entre les deux voisins qui semblaient plus ou moins s’apprécier.
La conversation continua autour d’un café dans l’appartement du jeune homme. De là, il s’installa confortablement dans son canapé. Objet qu’il semblait ne plus avoir côtoyé durant toute son absence. « C’est vrai, au début… c’était étrange. Je veux dire là-bas, c’est si différent d’ici. Finis le métro-boulot-dodo ! Finis la routine. Je ne pouvais pas rêver mieux. Leur vie n’est pas joyeuse tous les jours. Quand on voit la misère régner en reine, ça nous crève le cœur… Pourtant malgré cela, ils ont tous espoir. L’espoir d’aller mieux. Je dois avouer que le contact avec les autres était si différent qu’ici. Aucune personne mise de côté, tous unis. ». Le sourire aux lèvres, Léo ne put s’empêcher de lui faire le récit de ce riche voyage. « Sincèrement, je ne regrette pas cette expérience. Je veux dire c’est une expérience enrichissante. Culturellement et… Je me sens grandi de cette épreuve. Tu sais comme un nouvel homme. Enfin jeune homme. J’ai bien pris conscience qu’en se satisfaisant de peu, on pouvait être heureux. Très heureux même. Finalement, on n’a pas besoin de toutes ces choses inutile pour prétendre ‘être heureux’. Je veux dire : pourquoi on se casse les têtes à vouloir être bien habillé juste pour plaire ? Pour plaire, pour satisfaire le regard d’autrui. Là-bas. Tu pouvais être blanc, noir, jaune, vert, mal habillé, pas coiffé… On ne faisait pas attention à tous ces détails. Puis le contact humain était si fort. Si fort, oui. Je ne regrette vraiment pas d’être parti si longtemps, Zélie. ». Longtemps, c’était plus précisément quatre semaines. En effet, le jeune homme s’était lancé tête baissé dans une mission humanitaire en Afrique. Pur hasard ? Non, pas vraiment lorsque l’on sait que son plus grand rêve était d’être comme son père, de faire des missions humanitaires. C’était un peu comme un conte, et le rêve devenait réalité. Ca avait ce petit côté magique, féérique. Presqu’irréel et pourtant c’était bel et bien vrai. Et puis Léo ne s’arrêta plus. Il parla, parla et encore parla avec toujours ce petit sourire en coin. « Oh et j’ai rencontré ce petit garçon. Mohamed. Il me faisait penser à moi lorsque j’avais son âge. Il a dix ans, je crois. Il a comme ambition de sauver son village, de sortir ses parents de la pauvreté, de faire des études. Il était plein de vie ce gamin, si ambitieux et plein d’espoir. Des rêves plein les yeux. ». Des rêves, oui. Tout comme Léo Baxter.
Néanmoins il savait bien que ce retour à la réalité n’allait pas être si facile que cela. Il avait vécu pendant quatre semaines un rythme de vie différent de celui qu’il vivait auparavant. C’était à présent plus fort, grandi qu’il revenait. Il se doutait bien que la réadaptation allait être une étape difficile. Après il n’allait plus être ce petit héro –comme il était considéré dans ce petit village africain– mais il allait être considéré comme ce banal étudiant en droit de bientôt dix-neuf ans.