i'll be there for you when the rain starts to pour

« Je me nomme Jezaleen Marlow-Paxton. Née à New York, mes parents se sont séparés avant même que je naisse. Pourtant, s’ils ne se sont jamais aimés, moi ils m’ont aimé de tout cœur, ou du moins j’ose le croire. Comme toute petite fille, mon père était ma plus grande fierté, mon héros. »

« Papa est mort. » Jezaleen regardait sa mère en se mordillant la lèvre inférieure afin de ne pas éclater en sanglot. Elle ne voulait pas des bras froids de sa mère, ne voulait pas se montrer faible car sa mère ne méritait pas de tendresse. « T’es contente ? Comme ça tu n’auras plus à te battre pour avoir ma garde. » De toute façon sa mère restait muette, dos à elle, continuant sa vaisselle comme si de rien n’était. Essuyant ses yeux d’un air las, Jeza’ prit une grande inspiration et tourna sur elle-même pour aller s’enfermer dans sa chambre. Dans les escaliers elle entendit sa mère hurler : « Tu ne sais rien ! Rien du tout ! » Jezaleen fit claquer sa porte. Si, elle savait qu’elle avait perdu l’être au monde qu’elle aimait le plus au monde à 14 ans, et que maintenant il ne lui restait plus que sa mère.

« Tu pourras ramener tous les mecs au monde à la maison, même le plus vieux ne remplacera pas ton père. C’est malsain se foutu complexe d’oedipe. » Jezaleen ferma les yeux et partit. Sa mère la suivit. « Jezaleen je te parle ! » Elle lui attrapa le bras et Jeza’ se retourna vivement, regardant sa mère durement. « T’es conne ou quoi ? Je m’amuse c’est tout, comme toi je me fais sauter par le monde entier parce que je suis BONNE. Tu comprends ? C’est toi mon modèle maintenant ! C’est toi qui m’as tout appris : les hommes ils veulent baiser, et quand c’est fait ils passent à autre chose. Bah voilà, moi aussi je passe à autre chose maman ! » Sa mère se demandait comment elle avait fait pour avoir une fille de seize ans qui parlait ainsi, comment elle avait fait pour tout foirer, pour que sa fille devienne exactement comme elle : aussi belle qu’abusée.

« Bon alors on baise ? T’es la plus bonne du lycée et je suis le plus populaire. Ensemble on va faire des étincelles, et j’ai super envi de toi. » Jezaleen regarda le garçon face à elle. Elle soupira, attrapa sa veste et son sac à main. Ils étaient tous pareils, ils faisaient tous semblant de l’apprécier mais au fond ils ne voulaient que son corps. Alors elle s’amusait jusqu’à ce que cela devienne trop explicite : alors on baise ? Bah non, on ne baise pas. Car non, elle avait bien compris que le jour où elle coucherait avec un mec, personne ne voudrait plus jamais d’elle. Comme sa mère … Pourtant, elle était incapable de l’admettre. Personne ne savait, même si certains se doutaient. « Putain, donc c’est vrai les rumeurs ? T’es encore une p’tite vierge Jeza’ ? » La jolie blonde se figea et sans se retourner, lança un dernier commentaire : « Non ce n’est pas vrai, mais ta queue ne me mérite pas. »

« Je me casse. Je me casse de ce trou à rats et je m’éloigne de toi. Je ne veux pas finir comme toi. Je veux faire honneur à mon père. Je comprends qu’il n’ai jamais voulu de toi ! » Jezaleen fit un sourire à sa mère, aussi joli que faux. Elle attrapa sa valise et montra son ticket de bus pour Boston. « J’ai été prise à l’université, je vais faire des études, avoir un vrai boulot. Tout pour ne pas te ressembler maman. » Rangeant son ticket, Jezaleen se releva pour mettre sa veste lorsqu’il sentit la main de sa mère claquer contre sa joue. « Fille indigne ! » Pour la première fois de sa vie la jeune Marlow-Paxton voyait sa mère pleurer. Cela lui faisait mal mais c’était trop tard, à dix neuf ans il était temps de partir, elle ne pouvait pas rester là à pourrir, à devenir serveuse et prostituée à mi-temps. Elle voulait qu’on soit fière d’elle, son père, mais aussi sa mère sûrement. Alors elle rendit ses clés à sa mère et sortit de leur appartement pourri.